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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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devaient arriver de Jersey pour compléter le corps de débarquement. Il compterait alors dix mille hommes. Au reste, l’expédition comprenait parmi les émigrés quarante officiers sans troupes destinés à conduire des compagnies de chouans. Pitt, qui promettait d’abord l’appui de régiments britanniques, les avait refusés finalement, à la grande déception de Puisaye peu confiant dans les vertus militaires des émigrés. Toute l’expédition se trouvait sous ses ordres. Il tenait du comte d’Artois les pouvoirs les plus étendus pour la diriger en attendant que le prince le rejoignît une fois la descente opérée. Cependant lord Windham, bien qu’aimant beaucoup Puisaye et ayant grande confiance en lui, ne lui reconnaissait pas assez l’expérience de la guerre pour lui confier le commandement des troupes embarquées. Il aurait dû revenir au colonel d’Hector, le plus ancien en grade des officiers soldés par l’Angleterre ; mais Puisaye lui avait fait préférer le colonel d’Hervilly qui prétendait désirer ardemment servir sous lui et dont il escomptait beaucoup plus de docilité. Un marin distingué, le commodore Warren, commandait la flottille. L’escadre de lord Bridport, quinze vaisseaux croisant dans la Manche, l’escorterait à partir d’Ouessant.
    Depuis la mi-prairial, le temps se faisait de plus en plus mauvais. Presque toute la flotte française de Brest, durement éprouvée pendant ce terrible hiver, était rentrée en rade. La division légère, elle, continuait à courir, observant et harcelant les croisières ennemies soudain très actives.
    Le 26 Prairial, 15 juin, par une forte brise d’ouest, la frégate la République, en mission de surveillance, tirait des bords au large d’Ouessant. Fernand Dubon, le fils de Jean et de Gabrielle, était retourné pendant l’automne de 94 sur cette frégate, – laquelle avait, juste un an plus tôt, tellement inquiété Louvet et ses amis. Il y succédait au capitaine Marvejol passé sur un 74. Ce commandement attribué à un lieutenant de vaisseau de vingt-trois ans montrait en quelle estime Villaret-Joyeuse tenait le jeune Dubon. Il le considérait comme l’un des meilleurs marins de la flotte. Plusieurs fois durant l’hiver, mettant son pavillon amiral sur la République, il s’était confié à l’habileté de son capitaine, lors de rapides inspections dans le golfe de Gascogne, et ils avaient toujours défié les Anglais.
    Ce soir-là, vers cinq heures, les vigies signalèrent des vaisseaux par tribord devant. C’était – spectacle familier – l’escadre de l’amiral Bridport bourlinguant à la sortie de la Manche en colonnes par division. La République prit aussitôt une route parallèle à la leur pour les garder en vue. Les instructions données à la division légère prescrivaient non seulement d’observer l’ennemi, mais encore de l’engager hardiment si l’occasion s’en présentait. Bien entendu, aucun espoir de rien tenter contre ces quinze patauds. Le gros temps ne les troublait pas. Sous le hunier au second ris, la brigantine, la misaine et le petit foc, ils louvoyaient en files impeccables, inapprochables. Mais les trois poulettes – des 44 canons – qui, loin sur l’avant, les éclairaient, on les chatouillerait peut-être, ces demoiselles, avec de la chance.
    Fernand s’attendait à voir l’escadre changer bientôt de cap, car elle n’avait aucune raison de s’en aller ainsi plein ouest. Alors, à la faveur d’une évolution, il serait possible, sans doute, d’accrocher l’une ou l’autre des trois frégates.
    Cependant ni elles ni les vaisseaux ne changeaient d’amures, sinon pour louvoyer. À huit heures, les dix-huit navires au pavillon à franc-quartier bleu surcroisé de blanc et de rouge tenaient toujours leur route en zigzag. Le soir tombait, rapidement du ciel bas et sombre. D’ici peu, on ne verrait plus les Godams. En les suivant à l’aveuglette, on les perdrait assurément, car ils ne pouvaient pas ne point revenir vers la terre à un moment ou un autre. Lord Bridport ne songeait certainement pas à traverser l’Atlantique. Et pourquoi donc sa flotte irait-elle se promener sur les bancs de Terre-Neuve ? Au demeurant, la façon dont les frégates battaient la mer prouvait qu’elles ne se bornaient pas à éclairer, comme il semblait tout d’abord. Elles cherchaient. Quoi ? Une autre escadre britannique ou, bien plutôt, quelque convoi avec lequel Bridport avait

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