Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
mon fils aîné, l’autre étant parti depuis deux ou
trois mois avec M. le baron de Faisse, pour avoir de
l’emploi.
On trouve sur une liste de réfugiés bretons
conservée à Oxford, les mentions suivantes :
Mme de la Ville du Bois et ses
quatre enfants, elle a laissé en France son mari
dont elle
s’est dérobée
, et un enfant de trois mois qu’elle n’a pu
sauver.
Mme de Mûre et trois enfants, elle
s’est aussi dérobée de son mari, et a laissé une petite fille de
six mois qu’elle n’a pu sauver.
Combien de familles se mettaient en route pour
l’exil et ne se retrouvaient pas au complet au-delà de la
frontière, ayant laissé sur la route quelques-uns de leurs membres,
succombant aux fatigues du voyage ou retombés aux mains des
convertisseurs.
Mme Bonneau, de Rennes gagne l’Angleterre
avec sa mère et cinq petits enfants, son mari arrêté trois fois en
voulant se sauver, était en prison ou aux galères.
Voici, d’après une relation conservée à
Friedrichsdorf, la relation des épreuves subies par la famille
Privat, de Saint-Hippolyte de Sardège dans le Languedoc :
« La mère fut massacrée par les dragons, le père Antoine
Privat fut jeté dans une forteresse… ses onze enfants, dont le plus
âgé avait dix-sept ans, erraient dans l’abandon et la misère. Un
jour que fatigués, ils se tenaient appuyés contre les murs d’une
vieille tour, ils entendirent une voix qui gémissait au fond de la
tour… Le soir quelque chose tomba du haut de la tour à leurs pieds,
c’était un écu de six livres enveloppé dans un papier. Ils lurent
sur le papier :
« Mes enfants
,
voici tout ce
que j’ai
.
Allez vers l’Est et marchez longtemps
,
vous trouverez un prince agréable à Dieu qui vous
recueillera
.
– Antoine Privat ».
Les enfants prirent confiance et marchèrent
vers l’Est, ils marchaient depuis quatre mois, lorsqu’ils
arrivèrent dans une grande et belle ville, où ils tombèrent épuisés
sur une promenade, cette grande et belle ville était Francfort… Les
bourgeois de Francfort donnèrent asile aux neuf filles, et plus
tard les marièrent. Les deux garçons s’en allèrent vers l’électeur
de Hesse qui leur permit de s’établir à Friedrichsdorf.
Adrien le Nantonnier, émigré en Angleterre,
veut passer en Hollande, il est pris par un corsaire algérien et
meurt en esclavage, après avoir passé plusieurs années dans les
fers. De ses dix enfants, un seul, son fils aîné, est converti et
reste en France, ses quatre grandes filles et deux de ses fils
déportés en Amérique comme opiniâtres, parviennent à s’échapper et
à regagner l’Europe. Ses trois plus jeunes filles, cruellement
tourmentées à l’hôpital de Valence par le féroce d’Hérapine,
finirent par être expulsées et se retirèrent à Genève.
Michel Néel et sa femme, fille du célèbre
ministre Dubosc, avaient trois enfants ; ils gagnent la
Hollande, ayant perdu deux de leurs enfants qui périssent de misère
en route ; le troisième tombe aux mains des soldats à la
frontière : quelques mois après, il meurt dans la maison de la
Propagation de la foi, où il avait été enfermé.
M. de Marmande et sa femme partent avec un enfant au
berceau, on leur avait enlevé cinq filles et un garçon de cinq ans
pour les élever au couvent. Le baron de Neufville émigre avec ses
deux jeunes fils ; sa femme, contrainte d’abjurer, ne peut
emmener avec elle que les deux plus jeunes de ses quatre
filles.
Ils étaient bien nombreux les réfugiés qui,
ayant laissé quelques-uns de leurs enfants aux dures mains des
convertisseurs, redisaient chaque jour cette touchante prière,
imprimée en 1687 à Amsterdam : « Mon Seigneur et mon
Dieu, tu vois la juste douleur qui me presse. Pour te suivre j’ai
abandonné ce que j’avais de plus cher, je me suis séparé de
moi-même, j’ai rompu les plus forts liens de la nature, j’ai quitté
mes enfants a qui j’avais donné la vie. Mais quand je réfléchis sur
les dangers où ils se trouvent et sur les ennemis qui les
environnent, mon regard se trouble, mes pensées se confondent, ma
constance m’abandonne et, comme la désolée Rachel, je ne peux
souffrir qu’on me console. »
Et Louis XIV qui, par la persécution
religieuse, divisait les familles de cette terrible façon, ne
craignait pas, pour retirer aux femmes et veuves protestantes
l’administration de leurs biens, d’invoquer ce prétexte : que
leur opiniâtreté
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