Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
de scènes déchirantes provoquées par cette
cruelle disposition ! C’est ainsi que lorsque les quatre
pasteurs de Metz, Ancillon, Bancelin, Joly et de Combles, furent
accompagnés par les fidèles de leurs églises, jusqu’aux bords de la
Moselle où ils devaient s’embarquer pour prendre le chemin de
l’exil, on vit
leurs seize enfants
, ayant dépassé tous
l’âge de sept ans, les étreignant dans la douleur et dans les
sanglots, ne voulant pas se séparer d’eux.
Peut-être, cette obligation de se séparer des
êtres qui leur étaient les plus chers fut-elle la cause
déterminante de l’abjuration de plus d’un ministre, car les
huguenots avaient au plus haut degré les sentiments de la famille,
et l’on vit même des fugitifs qui avaient réussi à franchir la
frontière, revenir, bravant tous les périls, se résignant même à la
douloureuse épreuve d’une feinte abjuration, pour reprendre ceux de
leurs enfants qu’ils n’avaient pu emmener avec eux en partant.
Le baron Collot d’Escury allant rejoindre sa
femme et ses enfants, qu’il avait fait partir en avant pour sortir
avec eux du royaume, est pris et contraint d’abjurer :
« C’est un malheur, dit son fils, qui lui a tenu fort à cœur.
Mais, sans cela, sa femme et ses enfants n’auraient guère pu éviter
d’être repris. Ainsi, c’est un sacrilège qu’il a commis pour
l’amour d’eux, dont nous et les nôtres doivent à tout jamais lui
tenir compte. »
Le baron d’Escury avait laissé chez un de ses
amis le dernier de ses enfants,
le trouvant trop jeune pour
supporter les fatigues d’un si pénible voyage.
Après avoir
abjuré, il alla le reprendre et rejoignit avec lui le reste de sa
famille
« aimant mieux que Dieu le retirât à lui que de le
laisser dans un pays où il aurait été élevé dans une religion si
opposée aux commandements de Dieu ».
Mlle de Robillard sollicite en
pleurant le capitaine de navire qui l’emmenait en Angleterre avec
quatre de ses frères et sœurs, pour qu’il consentie à emmener,
par-dessus le marché
, sa plus jeune sœur âgée seulement de
deux ans. Elle fait tant qu’elle réussit. « Cette petite fille
de deux ans, étant ma sœur et ma filleule, dit-elle, je me croyais
d’autant plus obligée
à la tirer de l’idolâtrie
que les
autres. »
La femme d’un gentilhomme, Jean d’Arbaud,
lequel s’était converti, avait mis à couvert, chez ses parents,
quatre de ses dix enfants ; on lui avait laissé les trois plus
jeunes ; elle se décide à fuir avec eux : « Je me
vis contrainte, dit-elle, de prendre la résolution de me retirer,
et de faire mon possible
pour sauver mes pauvres enfants…
fortifiée par la grâce de Dieu et par la nouvelle que je venais de
recevoir que mon mari, avec le procureur du roi, venait
de
m’enlever mes deux filles
,
l’aînée et la troisième
,
pour les mettre dans le couvent…
Me servant de l’occasion
de la foire de Beaucaire, m’y ayant fait traîner avec mes enfants
dans un pitoyable équipage, et déguisée pour ne pas être
reconnue ; mais ce qu’il y a de surprenant, ce fut d’avoir
reconnu mon mari en chemin, dans son carrosse, qui, accompagné de
M. le procureur du roi, menait mes deux pauvres filles
captives que je reconnus d’abord, et auxquelles, après un triste
regard et plusieurs larmes répandues d’une mère fort affligée, je
ne pus donner autre secours que celui de mes prières et ma
bénédiction, n’ayant osé me donner à connaître, de peur de perdre
encore les autres. Dieu sait avec quelle amertume de cœur je
poursuivis mon chemin, me voyant dans l’obligation d’abandonner un
mari, peut-être pour jamais, que j’aimais extrêmement
avant sa
chute
, et deux de mes filles exposées à toutes les plus
violentes contraintes, et à être mises le jour même dans un
couvent. Mais enfin, voyant que je n’avais pas de temps à perdre,
étant assurée que l’on me poursuivrait dans ma fuite, je pris au
plus vite le chemin le moins dangereux, qui était celui de
Marseille, où j’ai rencontré mes deux filles que j’avais auparavant
envoyées du Dauphiné pour les mettre à couvert et qui avaient ordre
de s’y rendre. Et de là, j’allai jusqu’à Nice, jusqu’a Turin, et de
Turin à Genève, où j’arrivai avec mes six enfants, par la grâce de
Dieu, après avoir été un mois en chemin, souffert une grande
fatigue, et consumé ce que je pouvais avoir sur moi. Là, j’eus la
joie de voir
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