Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
leurs villages et s’étaient réfugiées dans les bois
où elles vivaient comme des bêtes de l’herbe des champs. Louvois
écrit à Foucault : « Il y a dans quatre paroisses de la
Rochelle, six cents personnes qui ne se sont pas converties, parce
qu’elles avaient toutes déserté et s’étaient mises dans les
bois ; comme elles n’y pourraient tenir dans la rigueur de
l’hiver qui va commencer, Sa Majesté trouvera bien agréable que
vous sollicitiez M. de Vérac
d’y faire loger des
troupes dans la fin de ce mois.
»
Pour fuir ces terribles dragons
convertisseurs, les huguenots quittaient leurs maisons, fuyant au
hasard à travers champs, à travers bois. Migault trouve sur sa
route une dame fuyant, portant un enfant à la mamelle et suivie de
deux autres en bas âge, courant affolée, ne sachant où aller.
Croyant toujours avoir les dragons à sa poursuite, elle marchait
toujours devant elle et passa plusieurs jours en rase campagne,
sans abri et manquant de nourriture.
C’était un crime de fuir les dragons. De
Noailles ayant donné huit jours aux habitants de Nîmes pour se
convertir, il fit publier que ceux qui s’en étaient allés, par
crainte des dragons, eussent à revenir dans trois jours
sous
peine d’être pendus ou mis aux galères :
Une ordonnance
décida que les maisons de ceux qui s’étaient absentés de chez eux
seraient rasées, quant aux imprudents qui donnaient asile à ces
huguenots errants, on les déclara passibles de grosses amendes.
« Informé, dit l’intendant Foucault, que
plusieurs personnes donnent journellement retraite dans leurs
maisons aux religionnaires
qui abandonnent les leurs pour se
mettre à couvert des gens de guerre
,
ce qui retarde et
empêche même souvent leur conversion
, fait très extrêmes
défenses à toutes personnes de donner retraite dans leurs
châteaux ou maisons aux religionnaires, sous quelque prétexte que
ce puisse être, à peine de mille livres d’amende. »
Anne de Chauffepied, dont le château avait été
dragonné, avait trouvé asile chez Mme d’Olbreuse, parente de
Mme de Maintenon. « Dès le mois suivant, dit-elle,
M. et Mme d’Olbreuse furent avertis que
Mme de Maintenon ne trouvait pas bon qu’ils nous
gardassent chez eux. Mme d’Olbreuse écrivit là-dessus, une
lettre pleine de bontés pour nous à cette dame, pour la supplier de
nous laisser auprès d’elle, sachant qu’elle le pouvait facilement
si elle le voulait. Mais sa dureté ne put être amollie là-dessus,
et, sans rien écrire elle-même, elle fit mander à
Mme d’Olbreuse qu’elle nous renvoyât, si elle ne voulait avoir
bientôt sa maison pleine de dragons. »
Quant à ceux qui donnèrent assistance aux
fugitifs allant chercher asile hors des frontières, ou qui leur
servaient de guides, ils étaient passibles de la peine des galères,
parfois même de la peine de mort. Ainsi le Parlement de Rouen
condamne à être pendus et étranglés les deux fils du laboureur
Lamy, atteints et convaincus
« d’avoir donné retraite et
couché dans leurs maisons des religionnaires avec leurs hardes et
chevaux pour faciliter et favoriser leur sortie du
royaume
. »
De même la cour de Metz avait condamné à être
pendus et étranglés Jontzeller et sa femme Anne Keller convaincus
« savoir ledit Jontzeller, d’être venu aux environs de cette
ville pour y joindre lesdits religionnaires et les conduire hors du
royaume, de les avoir guidés secrètement la nuit et les avoir
cachés chez lui pendant un jour ; ladite Keller d’avoir
empêché leur capture… d’avoir, par deux fois éteint les lampes, et,
par ce moyen, donné lieu à l’évasion desdits ».
Mais les peines terribles édictées, soit
contre les fugitifs eux-mêmes, soit contre ceux qui aidaient à leur
évasion hors du royaume, ne purent empêcher l’exode des
protestants, cet épilogue fatal des dragonnades.
Chapitre 6 L’ÉMIGRATION
Caractère de l’émigration
.
– Les
puissances protestantes
.
– Émigration des capitaux
.
– Espions
.
– Guides et capitaines de navires
traîtres.– Corsaires et Barbaresques.– Réfugiés réclamés
,
chassés ou enlevés.– Désir de retour
.
– Rentrée
.
Par la force
.
– Dispersion de réfugiés
.
–
Projet de Henri Duquesne
.
– Rôle militaire des
réfugiés
.
– Les conséquences de l’émigration.
On ne peut s’empêcher de reconnaître avec
Michelet, que l’émigration des huguenots a un caractère
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