Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
obstacle
créé par le gouvernement ; à Metz, dit Olry, il y avait des
défenses si fortes
de rien acheter de ceux de la religion
,
que ce fut après de gros dommages, que nous eûmes l’argent des
effets que l’on achetait de nous
pour le quart de ce qu’ils
valaient ;
au château de Neufville, près d’Abbeville, les
dragons, dit une relation, « avaient trouvé la maison fort
garnie,
on n’avait pu rien vendre
, il y avait plus de
trois mois qu’il y avait
des défenses secrètes de rien acheter
et aux fermiers de rien payer
. »
Ce n’était pas seulement la difficulté de
vendre, qui empêchait les huguenots de réaliser leur pécule de
fuite, c’était la nécessité de le faire secrètement, de ne se
procurer de l’argent que peu à peu, et de différentes mains, de
manière à de pas éveiller les soupçons du clergé et de
l’administration. Pour se rendre compte du soin jaloux avec lequel
l’administration surveillait les ventes d’objets mobiliers, il faut
consulter dans le registre des délibérations de la ville de Tours
(séance du 27 octobre 1685), l’état des objets achetés aux réformés
par les marchands et particuliers catholiques.
Quatre-vingt-quinze réformés sont signalés
comme ayant vendu des bijoux, des meubles, des tapisseries, des
tableaux, du linge, de la batterie de cuisine. La dame Renou a
vendu deux armoires pour quatre livres dix sous, la veuve Dubourg,
un moulin à passer la farine pour sept livres vingt sols, de
Sicqueville, deux guéridons pour trois livres, Brethon, deux
miroirs, deux lustres et une tapisserie pour six cent cinquante
livres, Mlle Briot, un fil de perles pour cinq cent livres,
Jallot, de la vaisselle d’argent pour neuf cent soixante-douze
livres.
Comme l’avait conseillé Fénelon dans son
mémoire à Seignelai, on veillait « à empêcher non seulement
les ventes de biens et de meubles, mais encore les aliénations, les
gros emprunts ». De cette manière, on empêchait les huguenots
non commerçants de réaliser facilement leur fortune à l’avance pour
la faire passer à l’étranger. Pour les commerçants, Seignelai fit
en vain strictement visiter les navires partant pour l’étranger,
qu’il croyait remplis de tonneaux d’or et d’argent ; cette
visite ne pouvait amener de résultats ; car, c’est au moyen de
lettres de change tirées sur les diverses places de l’Europe, que
les commerçants faisaient passer à l’étranger leur fortune,
consistant en valeurs mobilières. Weiss dit que quelques familles
commerçantes de Lyon firent passer de cette manière jusqu’à six
cent mille écus en Hollande et en Angleterre.
Le Gouvernement demeura impuissant, aussi bien
pour arrêter l’émigration des capitaux que pour empêcher celle des
personnes, bien qu’il eût dicté les plus terribles peines contre
les fugitifs et contre ceux qui favoriseraient directement ou
indirectement leur évasion.
Un édit de 1679 avait édicté la peine de la
confiscation de corps et de biens contre les religionnaires qui
seraient arrêtés sur les frontières
en état de sortir
du
royaume, ou qui, après être sortis de France seraient appréhendés
sur les vaisseaux étrangers ou autres ; une déclaration du 31
mai 1685 substitua à la peine de mort celle des galères pour les
hommes, de l’emprisonnement perpétuel pour les femmes, avec
confiscation des biens pour tous, « peine moins sévère, dit le
roi,
dont la crainte
les puisse empêcher de passer dans
les pays étrangers pour s’y habituer ». Ce n’était point par
humanité qu’était faite cette substitution de peine, mais par suite
de l’impossibilité où l’on se trouvait de punir de la peine
capitale un si grand nombre de coupables ; ce qui le montre
bien, c’est qu’un édit du 12 octobre 1687 substitue au contraire la
peine de mort à celle des galères pour ceux qui auront favorisé
directement ou indirectement l’évasion des huguenots. La crainte de
la peine des galères n’arrêta pas plus que celle de la peine de
mort, le flot toujours grossissant de l’émigration, mais les
galères se remplirent de malheureux arrêtés
en état de
sortir
du royaume. Marteilhe, acquitté du fait d’évasion, bien
qu’arrêté sur les frontières, vit son procès repris sur ordre
exprès de la Cour et fut envoyé aux galères. Mascarenc, arrêté à
trente ou quarante lieues de la frontière, fut plus heureux ;
condamné aux galères par le parlement de Toulouse, il
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