Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
réformée
,
et leur sang fut
pour moi une semence de régénération
. »
Cette cruelle persécution, exercée pour
obliger les forçats huguenots
à lever le bonnet
, en signe
de respect pour
l’idole
, tantôt abandonnée, tantôt
reprise, ne cessa qu’en 1709, la constance des victimes ayant lassé
l’obstination des persécuteurs. On a peine à s’expliquer cette
persistante prétention des catholiques à vouloir obliger, sous
peine de cruelles punitions, les huguenots à se mettre en
posture de respect
, devant l’hostie que ceux-ci ne
considèrent que comme
un morceau de pâte
. Mais, lorsque la
loi a une croyance religieuse, elle crée des délits et des crimes
surnaturels
, elle punit aussi bien
l’irrévérence
envers l’hostie que sa profanation qu’elle qualifie de
sacrilège
, elle punit même la raillerie contre un des
dogmes de la religion d’État, raillerie qu’elle qualifie de
blasphème.
Les huguenots à qui leur religion interdit de
croire à l’immaculée conception, ne pensaient pas commettre un
crime ou un délit, lorsqu’ils disaient qu’il fallait être
visionnaire pour croire à une naissance sans douleurs, sans
infirmités naturelles. Cependant pour avoir ainsi parlé, ils
étaient poursuivis comme ayant proféré des
blasphèmes
contre la pureté de la Vierge, et, pour ce délit
surnaturel
, étaient passibles des peines terribles
édictées contre les blasphémateurs : langue coupée, percée
d’un fer rouge ou arrachée. De même que le blasphème, le
sacrilège
, crime
surnaturel
, est puni de peines
basées sur l’opinion, non de ceux qui, commettent ce crime, mais de
ceux qui le punissent. – C’est pourquoi la loi, quand elle a une
croyance religieuse, frappe des mêmes peines le
sacrilège
conscient ou inconscient ; peu importent aux juges et la
croyance de celui qui a profané une hostie, et les circonstances
qui ont accompagné cette profanation qui est regardée comme
constituant une voie de fait contre Jésus-Christ lui-même. C’est le
dogme catholique de
la présence réelle
, passé dans la loi,
qui fait le crime et le qualifie.
Un prêtre de Paris, dit une relation attribuée
à Jurieu, avait mis de côté pendant trois ans toutes les hosties
consacrées en disant la messe ; puis, un beau jour, avec sa
collection d’hosties il était passé en Hollande. – Là, il fit une
conférence contre la présence réelle devant une nombreuse
assistance, et, à l’appui de son discours contre
l’idole de
pâte
, « il prit une des hosties qu’il avait apportées, la
brisa, et, en laissant tomber les fragments par terre, dit à ses
auditeurs qu’ils prissent garde, s’il sortait du sang, des os
brisés de cette
idole
. »
Ce sacrilège
n’aurait pas été
autrement puni que celui des malheureux huguenots qui, traînés à
l’église et ayant recraché l’hostie qu’on leur avait mise de force
dans la bouche, furent impitoyablement envoyés au bûcher.
Lièvre, dans son histoire du Poitou, cite
entre autres, l’exemple suivant de cette inique cruauté :
« Guizot, un vieillard de soixante-dix ans, qui avait abjuré
par contrainte, tombe malade ; le curé accourt. Guizot
rétracte son abjuration et refuse de recevoir la communion, le curé
lui met de
force
l’hostie dans la bouche et Guizot la
crache ; malheureusement pour lui la maladie ne fut pas
mortelle. Poursuivi comme sacrilège, Guizot fut condamné au feu et
mourut avec le courage d’un martyr. »
La folie religieuse n’est même pas une
circonstance atténuante, en pareil cas, et d’Argenson n’eût pas
hésité à faire brûler la femme Dubuisson, s’il n’eût été retenu par
des considérations politiques.
Cette femme, dit le lieutenant de police,
après s’être mis dans l’esprit
qu’elle était sainte
,
communiait tous les jours depuis plus de six mois,
sans aucune
préparation
et même après avoir mangé ; le procédé
pourrait mériter
les derniers supplices
, suivant la
disposition des lois. Mais on ne pourrait rendre
publique
la punition de ces crimes, sans faire injure à la religion, et
donner lieu
aux mauvais discours
des libertins et des
protestants mal convertis.
En conséquence d’Argenson conclut à ce que
cette femme soit envoyée au gouffre de l’hôpital général où elle
trouvera la punition
non publique
de ses
sacrilèges.
La profanation des vases sacrés et des saintes
huiles constituait aussi un sacrilège que la loi punissait au
XVII e
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