Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
on
défendait aux huguenots d’employer pour amener la conversion d’un
catholique ; même l’appât du mariage avec une huguenote. Puis
on en vint à interdire les mariages mixtes ou
bigarrés
, à
déclarer nul tout mariage entre catholique et huguenot célébré
contrairement à cette défense.
Nous avons rappelé de combien de fonctions et
de professions les huguenots furent exclus par suite de cette
préoccupation de mettre les protestants dans l’impossibilité d’user
du
crédit
que pouvait leur donner telle situation
officielle ou telle profession, pour empêcher les conversions de
leurs co-religionnaires. Par suite de la même préoccupation il fut
interdit aux pasteurs d’exercer leur ministère dans le même lieu
pendant plus de trois ans, une trop longue résidence
leur
donnant une puissance absolue sur l’esprit de leurs
co-religionnaires.
Pour empêcher les maîtres d’user de leur
crédit
près de leurs domestiques et de faire du
prosélytisme auprès d’eux, on eut recours aux injonctions les plus
contradictoires. Un domestique catholique ne put abjurer que six
mois après avoir quitté le service d’un maître huguenot, et il
devait s’écouler un nouveau délai de six mois avant que ce
domestique pût entrer au service d’un autre huguenot. Puis on
interdit aux catholiques d’entrer au service des huguenots
« attendu, disait l’édit, que plusieurs de la religion
prétendue réformée, après avoir
perverti
leurs domestiques
catholiques, les obligent de passer dans les pays étrangers pour
quitter leur religion. » Quelques mois plus tard, nouvel édit
ordonnant au contraire, aux huguenots et aux nouveaux convertis, de
congédier leurs domestiques protestants pour en prendre des
catholiques, « attendu que ce qui était très utile alors (six
mois plus tôt) pour empêcher la perversion de nos sujets
catholiques, dit la déclaration royale, pourrait retarder à présent
la conversion de ceux de la religion prétendue réformée engagés au
service du petit nombre de prétendus réformés qui sont
malheureusement restés jusqu’ici dans leur erreur. Pareillement
serait dangereux de laisser aux nouveaux convertis la liberté de se
servir de domestiques de ladite religion. » Les peines
édictées pour contraventions à cette injonction étaient, pour le
maître, mille livres d’amende ; pour une domestique
le
fouet et la marque
, pour le serviteur mâle
les
galères
.
Dans sa haine pour le protestantisme, le roi
alla jusqu’à défendre aux huguenots d’instruire les mahométans et
les idolâtres dans leur fausse doctrine. « Afin d’empêcher
qu’on n’abuse de leur ignorance pour les engager dans une religion
contraire à leur salut
,
voulons
, dit le roi, que
tous mahométans et idolâtres qui voudront se faire chrétiens ne
puissent être instruits, ni faire profession d’autre religion que
de la catholique. »
Enfin, Louis XIV établit des catégories de
catholiques de
droit
:
1° Les enfants
exposés
:
« parce que ayant été malheureusement abandonnés de leurs
pères, et par ce moyen devenant sous notre puissance
comme père
commun de nos sujets
, nous ne pouvons les faire élever que
dans la religion que nous professons ».
2°
Les bâtards
, même nés d’une mère
protestante. « Attendu qu’il n’y a personne qui puisse exercer
sur ces en
fants une puissance légitime
. »
3° Les enfants, nés de père et de mère
appartenant à la religion protestante ; lorsque leur père
avait abjuré avant qu’ils eussent atteint l’âge de quatorze
ans.
4° Les enfants dont les pères étaient morts
protestants mais dont les mères étaient catholiques « pour
donner aux dites veuves, dans la perte de leurs maris, cette
consolation de pouvoir procurer à leurs enfants, l’avantage d’être
élevés dans la véritable religion. »
Quant aux orphelins huguenots, dont le père et
la mère étaient morts protestants, ne trouvant pas de prétexte pour
les déclarer catholiques
de droit
, on s’était borné à leur
imposer des tuteurs et curateurs catholiques, « certains
tuteurs et curateurs réformés ayant abusé de la puissance que cette
qualité leur donnait sur leurs pupilles,
pour les détourner des
bons desseins qu’ils témoignaient de se convertir à la religion
catholique
. »
Cette persistante préoccupation de vouloir
assurer le salut de ceux de ses sujets qu’il estimait être dans
l’erreur, amena Louis XIV à porter la plus
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