Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
défendre
«
d’enlever par force ou induction contre le gré de leurs
parents
, les enfants des protestants pour les faire baptiser
ou confirmer en l’Église catholique… à peine d’être puni
exemplairement. » Malgré cette défense formelle les
enlèvements des enfants huguenots continuèrent, et, en 1623, les
députés du synode national d’Alençon formulaient ainsi les plaintes
de leurs co-religionnaires à ce sujet : « on leur
enlevait leurs enfants pour les baptiser et les élever dans la
religion romaine… témoin la fille du pharmacien Rédon et celle de
Gilles Connant âgée de deux ans, qui, attirée dans un couvent, y
avait été retenue malgré les réclamations de sa mère. »
Le plus souvent le clergé enlevait les enfants
huguenots sous prétexte que
ces enfants désiraient se
convertir
, mais il les enlevait si jeunes que ce prétexte ne
pouvait être sérieusement invoqué, et que Louis XIV lui-même se vit
obligé, en 1669, de publier la déclaration suivante :
« Faisons défense à toutes personnes d’enlever les enfants de
ladite religion prétendue réformée, ni les induire ou leur faire
faire aucune déclaration de changement de religion,
avant l’âge
de quatorze ans accomplis pour les mâles et de douze ans accomplis
pour les femelles
. »
Cette loi mettait une bien légère entrave à la
violation journalière des droits sacrés du père de famille ;
cependant elle provoqua les plus vives protestations des évêques.
Ainsi, en 1670, au nom de l’assemblée générale du clergé, l’évêque
d’Uzès adressait au roi ces pressantes remontrances :
« Pouvons-nous, sans trahir notre conscience, sans être
criminels devant Dieu, ne pas acquiescer à leurs justes désirs
(d’enfants de moins de douze ou quatorze ans !) lorsque, par
leur propre mouvement, secourus de la grâce, ils se jettent dans
nos bras et qu’ils nous découvrent l’extrême envie qu’ils ont
d’être admis parmi nous ! »
Quant aux pères de
famille qui mettaient obstacle au désir de conversion de leurs
jeunes enfants, ils étaient, disait l’orateur du clergé,
«
meurtriers plutôt que pères
».
Les évêques, avec la connivence du chancelier
qui leur disait : « Le roi a fait son devoir, faites le
vôtre ! » continuèrent leurs razzias d’enfants huguenots,
en ayant soin, pour avoir l’air de respecter la loi, de ne faire
abjurer ces enfants enlevés que le jour où ils atteignaient l’âge
de douze ou quatorze ans.
Mais l’édit de 1669 devint
lettre
morte
, du jour où furent fondées les nombreuses maisons de
propagation de la foi, ces écoles-prisons « destinées à
procurer aux jeunes protestantes des retraites salutaires
contre les persécutions de leurs parents
et les artifices
des hérétiques ». C’est ainsi que les trois filles de Jean
Mallet, avocat au parlement de Paris, furent mises aux nouvelles
catholiques, avant la révocation, alors que l’aînée n’avait pas
encore
douze ans.
Cette note, mise en marge d’une liste des
pensionnaires de la maison des nouvelles catholiques de Paris,
montre ce que pouvait être
le désir de conversion
des
enfants enfermées dans ces écoles-prisons :
«
L’aînée
des Hammonet, très déraisonnable, elle n’a
que
quatre ans
, et il est cependant
très
dangereux
de lui laisser la liberté de voir ceux qui né sont
pas convertis, ou qui sont mauvais catholiques. »
Les huguenots de Reims, las de réclamer
vainement auprès des juges et auprès de l’intendant, adressent un
placet au roi, protestant contre le refus qui leur est fait par la
directrice de la maison de la propagation de la foi, de leur
laisser voir leurs filles. Ce refus, disent-ils, est contraire à
l’équité et à la nature
qui donnent droit aux pères et
mères
de s’inquiéter de ce que deviennent leurs
enfants.
À cette légitime réclamation, Louis XIV répond
en décidant qu’une fille, une fois reçue dans la maison de
propagation,
ne pourra être forcée de voir ses parents jusqu’ à
ce qu’elle ait fait son abjuration
, attendu qu’il s’est assuré
que les filles protestantes qui entrent dans cette maison
y
entrent toujours volontairement
après avoir fait connaître
leur désir de se faire instruire dans la religion catholique.
« Qu’ainsi leur volonté devenant publique
et notoire, telle précaution
affectée
de leurs père et
mère à vouloir
en tirer des éclaircissements plus
particuliers
, ne peut passer que
Weitere Kostenlose Bücher