Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
pour
artifice
dont
ils désireraient se servir pour tâcher d’ébranler leurs enfants, et
de les émouvoir par leurs larmes
, peut-être même par leurs
reproches et par leurs menaces. »
Non seulement les parents ne peuvent, avant
qu’elle ait abjuré, voir la fille qu’on leur a arrachée pour la
convertir, mais encore ils doivent bien se garder de la recevoir
chez eux, si, spontanément ou sur leurs conseils, elle s’échappe de
la prison après avoir abjuré. Charlotte Leblanc, convertie aux
nouvelles catholiques, est confiée à la maréchale d’Humières. En
janvier 1678 elle s’échappe et voici l’ordre qui est donné à ce
sujet : « Le roi m’a ordonné de vous dire que vous ayez à
vous informer si elle s’est retirée chez ses parents, et, au cas
qu’ils l’aient fait enlever, que vous leur fassiez faire leur
procès
comme suborneurs et ravisseurs
, et si, au
contraire, elle y est retournée de bon gré, que vous fassiez
informer contre elle comme relapse
. »
En 1676, Madeleine Blanc, enlevée de vive
force, avait été conduite chez le curé de Saint-Véran
un
bâillon sur la bouche
. La convertie s’échappe un jour et se
réfugie chez son père, on condamne le père à l’amende comme
coupable
d’enlèvement ;
la fille reprise est jetée
dans un couvent, et l’on n’entend plus jamais parler d’elle.
Quels sombres drames se sont passés derrière
les murs des couvents et de ces maisons de propagation qu’Élie
Benoît appelle avec raison
ces nouvelles prisons ! –
On enfermait de jeunes enfants dans des cachots sales, humides et
obscurs, et on ne leur parlait que des démons qui y revenaient, des
crapauds et des serpents qui y grouillaient. Fausses visions,
menaces, promesses, mauvais traitements, jeûnes, rien n’était
négligé pour abuser de la faiblesse de ces jeunes enfants et de
leur simplicité d’esprit. Une jeune fille, ajoute Élie Benoît,
enfermée au couvent d’Alençon est tourmentée par ces fausses béates
de la plus cruelle manière ; on lui met le corps tout en sang
à coups de verges, on la jette dans un grenier où elle reste
pendant tout le jour et toute la nuit suivante, une des plus
froides de l’hiver, sans feu, sans couverture, sans pain. Le
lendemain on la trouve demi-morte, le corps enflé démesurément, ses
blessures livides et enflammées ; quand elle fut guérie de ses
plaies, elle demeura sujette à des convulsions épileptiques.
Les religieuses d’Uzès avaient huit jeunes
filles
rebelles
. Elles avertirent l’intendant, firent
venir le juge d’Uzès et le major du régiment de Vivonne et, devant
eux, elles dépouillèrent les huit demoiselles (qui avaient de seize
à vingt ans) et les fouettèrent de lanières armées de plombs. Ces
mortifications de la chair semblaient chose toute naturelle aux
convertisseurs, comme moyen de persuasion. L’évêque de Lodève,
lui-même, catéchisait chaque jour une jeune demoiselle, et, chaque
jour, passant des injures aux voies de fait, la rouait de
coups.
L’histoire des petites Mirat, enlevées par
l’ordre de Bossuet, histoire que conte un témoin oculaire des
faits, est un remarquable exemple de l’énergique résistance que de
jeunes enfants opposaient parfois au zèle violent des
convertisseurs. Les filles Mirat, orphelines de père et de mère,
furent enlevées de chez leur grand-père de Monceau, médecin à la
Ferté-sous-Jouarre ; au commencement de l’année 1683, sur un
faux bruit
qu’elles voulaient se faire catholiques –
l’aînée avait alors
dix ans
et la plus jeune
huit
. Dans le carrosse où elles furent mises, elles se
défendirent comme des lionnes, cassèrent les carreaux et voulurent
se jeter par les portières. Le procureur du roi, pour venir à bout
de la plus jeune, avait mis la tête de l’enfant entre ses deux
jambes, mais elle se dégagea, lui sauta à la figure, et le griffa
de telle façon qu’il en conserva longtemps les marques. Il fallut
faire monter les archers dans le carrosse pour contenir les deux
enfants, qui s’étaient blessées en brisant les carreaux des
portières.
On les amena à un couvent, mais l’abbesse
refusa de les recevoir
dans l’état où elles se
trouvaient ;
alors on les prit et
on les lia
sur
une charrette, pour les conduire à Rebais chez un chirurgien
catholique de leurs parents. « Pendant cinq mois qu’elles
demeurèrent là, dit l’auteur de la relation, elles n’ont vécu que
de vieux pain noir que l’on
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