Les "Larmes" De Marie-Antoinette
se mit à rire :
— C’est alors que vous m’auriez entendu. Il y a chez vous une maxime qui prétend que « Qui ne dit mot consent ! » J’y souscris pleinement car, voyez-vous, je ne suis pas bavard… mais je ne peux qu’approuver votre initiative. Ce pourrait même être amusant ! ajouta-t-il. La difficulté va être d’empêcher Léonora de me suivre. Ma femme a l’aventure dans le sang…
— J’en connais une autre…
En rentrant à l’hôtel, Aldo songeait encore à la meilleure manière de présenter les choses pour éviter que Marie-Angéline n’enfourche son cheval de bataille – il en venait même à penser que le mieux serait peut-être de n’en pas parler ! – quand il reconnut la petite voiture rouge d’Adalbert rangée sous les arbres dans l’enceinte de l’hôtel. Celui-là était une trop bonne recrue pour le laisser en dehors de l’expédition.
Le mauvais temps ayant rendu inutilisables les tables de la terrasse fleurie, il trouva sa « famille » réfugiée au bar comme la plupart des autres clients parmi lesquels il reconnut sans peine deux des plus efficaces journalistes parisiens : Berthier du Figaro et Mathieu du Matin. Spécialistes de la rubrique mondaine, on ne pouvait leur interdire de venir boire un verre dans le lieu le plus public du palace. Installés au comptoir sur de hauts tabourets, ils jouaient au « zanzi {6} » en buvant des cocktails sans avoir l’air de rien mais l’on pouvait être sûr que leurs oreilles étaient grandes ouvertes et que leurs yeux voyaient à peu près tout. Ils répondirent aussitôt au salut de la main qu’Aldo leur adressa. Il les avait déjà rencontrés à plusieurs reprises et savait qu’ils étaient aussi corrects que sérieux. Ils ne tentèrent pas de l’approcher, le laissant rejoindre la table où les siens étaient installés.
— Je suis venu vous demander à déjeuner et prendre l’air du temps, sourit Adalbert tandis que son ami prenait place dans l’un des petits fauteuils de velours bleu…
— Pour ce qui est du temps on pourrait trouver mieux mais le déjeuner t’est acquis avec grand plaisir. Tu t’ennuyais de nous ?
— Eh bien oui, figure-toi ! Versailles n’est pourtant qu’à dix-sept kilomètres de Paris mais, depuis que vous vous y habitez, j’ai l’impression que ma rue est au bout du monde.
— Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, ironisa Aldo. Or, nous sommes trois ! Pourquoi ne pas demander à la réception s’il reste encore des chambres libres ?
Vidal-Pellicorne fouilla dans sa poche, en tira une clef complétée par une plaque de bronze et la mit sur la table :
— C’est fait ! Ma valise est au numéro 28… en face de toi, mon bon !
— Quelle heureuse surprise ! fit M me de Sommières en levant sa coupe de champagne. Bienvenue au club, mon cher Adalbert
— Plus on est de fous, plus on rit, renchérit Marie-Angéline visiblement ravie. Alors ? Qu’a donné la réunion chez le commissaire ?
Aldo le lui dit mais se hâta d’ajouter :
— Je vous arrête tout de suite, Angelina ! Ce soir il n’y aura que des hommes.
— Mais enfin, pourquoi ? s’insurgea-t-elle.
— Parce que si ce n’est pas vraiment légal, c’est tout de même une opération de police et s’il a consenti à accepter une aide plutôt bienvenue, Lemercier n’admettra jamais votre présence.
— D’autant que cela peut être dangereux, ajouta la marquise en picorant une amande salée. Et je ne veux pas rester seule, à tourner dans ma chambre en me faisant un sang d’encre ! Vous êtes ma lectrice, que diable ! Vous me lirez Monte-Cristo ! Comme ça vous aurez l’esprit occupé !
— Oui, mais…
— Pas de mais ! Et passons au menu ! J’ai faim !
Pendant le déjeuner on parla. Le restaurant était plein et les tables plus rapprochées qu’au bar. En outre, leur groupe était suffisamment remarquable pour attirer l’attention. Nombreux étaient les regards qui se tournaient vers eux. Aldo se borna donc à annoncer qu’il avait accepté d’aller vers cinq heures faire un poker chez Malden – entre hommes ! – auquel Adalbert était invité d’avance.
— Il habite rue de la Paroisse, conclut-il. Inutile de prendre ta voiture. Ce n’est pas loin et on ira à pied.
Après avoir reconduit la marquise et sa « lectrice » aux ascenseurs, Aldo et Adalbert reprirent casquettes et imperméables au vestiaire et se disposaient à
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