Les "Larmes" De Marie-Antoinette
brièvement mais il est temps de partir. On se retrouve tous dans le bosquet de l’Arc de triomphe à l’extrémité voisine du bassin où l’on se partagera les places selon les directives du commissaire… Vous êtes armés, je suppose ?
Ils l’étaient et l’on se sépara. Aldo et Adalbert partirent les premiers et rejoignirent Karloff pour lui dire qu’au fond on n’avait pas tellement besoin de lui sinon pour les emmener au château, ce qui ne faisait pas une longue course. Cependant, quand on lui eut expliqué l’affaire il décida d’aller se poster à onze heures au bout de la rue des Réservoirs, près du théâtre Montansier et non loin de la grille du Dragon.
— Grimpez, messieurs, je vous lâche au château ! déclara-t-il.
Quelques minutes plus tard les deux amis traversaient l’immense cour d’honneur à quelque distance l’un de l’autre. Morosini se dirigea vers l’entrée des bâtiments royaux et Vidal-Pellicorne vers celle qui ouvrait directement sur les jardins. Il franchit les « passages des bois » donnant sur les parterres du Midi, ce qui l’obligea à contourner presque tout le château pour rejoindre les parterres du nord que prolongeaient les deux bosquets derrière lesquels se trouvent les bassins du Dragon et de Neptune.
Chacun des auxiliaires bénévoles de la police joua avec un tel talent son rôle en flânant de façon si convaincante qu’il était plus de six heures quand on se retrouva devant le majestueux ensemble voulu jadis par Le Nôtre mais qui était alors en assez mauvais état : l’arc à trois portes de ferronnerie dorée n’avait plus guère de dorures non plus que les fontaines latérales dédiées à la Victoire et à la Gloire, ainsi que les quatre obélisques achevant un ensemble plein de noblesse mais qui, dans son décor forestier, se revêtait en cette fin d’un jour pluvieux d’une intense mélancolie. Son voisin, le bosquet des Trois Fontaines, n’était pas mieux loti : mousse, rouille et vert-de-gris…
— Dire, soupira Olivier de Malden que ces merveilles ont tellement besoin d’être réparées et qu’un imbécile est en train de saboter une exposition dont nous étions en droit d’espérer une belle somme !
— Jusqu’à présent nous n’avons pas à nous plaindre, fit remarquer le général : les foules se pressent pour visiter. Le fait que le Petit Trianon soit devenu scène de crime ne décourage personne. Au contraire. Voyez ! Ce que nous espérions un succès tourne au triomphe…
— À condition que l’on ne nous oblige pas à fermer ! grommela Crawford en fouillant dans ses poches à la recherche de son étui à cigares.
— Il y a quelques années un meurtre s’est perpétré au Louvre au département des Antiquités égyptiennes, rappela Adalbert : les foules se sont ruées chez nous. Il en est venu de partout : d’Europe occidentale d’abord et même des États-Unis ! Rien de plus excitant que l’odeur du sang ! Vous pourriez même jouer les prolongations… Je parie pour un débarquement massif des Américains…
— Et si les prêteurs de joyaux et autres pièces précieuses les retirent ?
— En ce qui me concerne ce n’est pas mon intention, émit Aldo, ni celle de mon beau-père, que j’ai eu au téléphone. Peut-être même viendra-t-il voir ce qu’il en est. Il a reçu l’assurance d’une surveillance accrue de la police avec des renforts venus de Paris.
— C’est on ne peut plus vrai, dit le général. Je suis retourné à l’exposition ce matin avant de vous rejoindre chez Lemercier : les vitrines sont gardées nuit et jour par des hommes en armes.
Adalbert se mit à rire :
— Bougrement séduisant pour le vulgum pecus ! Les visiteurs doivent avoir l’impression de faire de la figuration intelligente pour un film…
— Messieurs, messieurs ! rappela Morosini. Nous sommes ici pour essayer de piéger un assassin. Ce n’est pas le moment de tenir une conférence contradictoire !
— Il a raison ! approuva Crawford. Allons prendre nos places ! Qu’est-ce que Lemercier a décidé ?
— Messieurs Morosini et Vidal-Pellicorne dans ce bosquet tandis que le général, vous et moi nous installerons aux Trois Fontaines. Séparons-nous !
La végétation qui servait d’écrin à l’Arc et à ses fontaines muettes était aussi dense que celle d’un bois. Aldo et Adalbert allèrent se poster derrière les arbres et fourrés les plus proches du lieu du
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