Les "Larmes" De Marie-Antoinette
contribué à la préparation de la fuite si désastreusement avortée. Le flambeau est venu jusqu’à moi mais j’ai de nombreuses lacunes. Et vous, Malden ?
— Une tradition familiale, des souvenirs, des lettres et un attachement profond à la mémoire de nos malheureux souverains. Mais vous oubliez que nous avons l’homme qu’il nous faut avec ce vieux fou de Ponant-Saint-Germain. Il voue à Marie-Antoinette un véritable culte. Avec fidèles, cérémonies et ce qui s’ensuit, m’a-t-on dit !
— Vous n’y êtes jamais allé voir ? demanda Morosini.
— Non, bien que cela ne manque pas de pittoresque, paraît-il. Si cela vous intéresse, demandez à M me de La Begassière. C’est elle qui l’a fait admettre au Comité. Justement à cause de ses immenses connaissances. Il nous a été fort utile.
— Il pourrait l’être encore, lança Vidal-Pellicorne qui ajouta plus bas à l’intention d’Aldo : Tâche de savoir où il habite ! J’irais volontiers lui faire une petite visite… pour bavarder entre confrères !
— Marie-Antoinette ne relève pas de l’archéologie !
— Tu n’y connais rien ! Un parallèle entre sa bien-aimée reine et Néfertiti par exemple aurait de grandes chances de le séduire. Surtout présenté par moi !
On se sépara dès la grille franchie. Crawford annonça que le Comité se réunirait le lendemain à midi chez la présidente et demanda à Morosini d’en aviser M lle du Plan-Crépin.
— La date de la fête nocturne se rapproche, soupira-t-il. Il nous faut prendre une décision. Annuler me paraît difficile mais d’autre part la presse va nous tomber dessus en nous accusant de danser dans le sang.
Une dernière poignée de main et il s’éloignait de son pas lourd appuyé sur sa canne.
— C’est un type sympathique, remarqua Aldo. Mais veux-tu me dire pourquoi je pense à la statue du Commandeur de Don Juan chaque fois que je le vois ?…
— Oh, c’est son côté monolithique ! Et à propos de voir, tu ne saurais pas où est passé Karloff ?
En effet ni lui ni sa voiture n’étaient en vue. Ce qui ne lui ressemblait pas… On eut beau remonter la rue des Réservoirs jusqu’au château, fouiller les alentours du théâtre, on ne trouva rien.
— Il ne « fait » plus la nuit, dit Aldo. Il n’aurait pas pris un client ?
— C’est peut-être la police qui l’a mis en fuite. Lui et Lemercier ne sont pas franchement copains… De toute façon il sait toujours très bien ce qu’il fait. Alors allons nous mettre au sec… et nous humecter le gosier. J’ai une soif de tous les diables !
— D’autant qu’il nous faut aller au rapport. Imaginer Tante Amélie et son fidèle bedeau dormant du sommeil des anges relève de la pure fiction. Et puis Karloff nous rejoindra peut-être.
Mais on ne le revit ni cette nuit-là ni le lendemain matin.
Interrogé, le réceptionniste du Palace s’avoua surpris : il avait eu pour lui un client et non seulement il n’était pas venu stationner comme d’habitude mais il ne répondait pas au téléphone. D’un même mouvement les deux hommes s’élancèrent vers la petite Amilcar rouge et noire…
CHAPITRE V
UN APPEL AU SECOURS
Quelques heures plus tard, le Comité au complet – les Parisiens avaient été appelés par téléphone ! – se rendait en ordre dispersé chez la comtesse de La Begassière pour y tenir une réunion d’urgence que l’aimable dame convertissait en déjeuner, en vertu de ce principe que les pilules les plus difficiles à avaler passent mieux quand on les accompagne d’une cuisine raffinée et de vins choisis avec discernement par un maître d’hôtel que tout Versailles lui enviait.
Elle habitait rue de l’Indépendance américaine, une de ces anciennes demeures de dignitaires, construites de briques et de pierres blanches afin d’être en harmonie avec un élément du château appelé l’aile des Princes qui, face au Grand Commun, occupait une partie de la rue. De ses fenêtres elle avait vue sur l’Orangerie, ce que beaucoup considéraient comme un privilège. Ceux tout au moins qui ne résidaient pas dans ce beau quartier du vieux Versailles, noyau de la ville royale, bâti entre la cathédrale Saint-Louis et le palais du Soleil couronné.
Laissant Adalbert tenir compagnie à Tante Amélie, Aldo et Marie-Angéline choisirent de s’y rendre à pied. Le temps était redevenu clément même si l’air bleuté restait un peu froid pour la
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