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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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demandai-je. Le geôlier dit qu’Elizabeth a eu une crise de folie.
    — Merci d’être venu, messire Shardlake. Je ne sais plus quoi faire. Depuis le procès, elle s’obstine à rester muette. Et puis voilà qu’hier, ils ont emmené cette femme qui avait volé un cheval. » Il sortit le mouchoir qu’Elizabeth lui avait donné et s’épongea le front. « Dès que la femme a quitté la pièce, il paraît qu’Elizabeth est devenue folle. Elle s’est mise à hurler et à se jeter contre les murs. Dieu sait pourquoi, parce que la vieille n’avait jamais été particulièrement gentille avec elle. Il a fallu l’entraver, monsieur, et on lui a mis les chaînes. » Il leva vers moi des yeux éperdus. « On lui a rasé la tête, messire, on lui a coupé les cheveux, ses cheveux noirs bouclés, si beaux. Et on m’a demandé de payer le barbier. J’ai refusé, parce que j’estime la méthode cruelle. »
    Je m’assis à côté de lui. « Joseph, vous savez que vous devez payer ce qu’on vous réclame. Sinon, elle sera encore plus mal traitée. » Il pencha la tête et opina à contrecœur. Je devinai que cette querelle avec les geôliers à propos d’argent était pour Joseph la seule façon de conserver un peu de dignité.
    « Comment va-t-elle à présent ?
    — Elle est calme. Mais elle s’est coupée et meurtrie.
    — Allons voir. »
    Joseph regarda Barak d’un air interrogateur. « Un confrère, dis-je, me souvenant que Joseph m’avait vu partir à cheval avec Barak après l’audience devant Forbizer. Cela vous ennuie s’il nous accompagne ? »
    Il haussa les épaules. « Non. Aucune aide n’est de trop.
    — Allons, venez, dis-je avec un détachement feint. Allons la voir. » Au vrai, ma dernière visite ne remontait pas si loin, mais j’avais le sentiment que beaucoup de temps s’était écoulé depuis.
    Une fois de plus, le gros guichetier nous précéda, nous faisant passer devant les cellules où croupissaient des hommes enchaînés pour descendre dans la basse-fosse.
    « Ce matin, elle se tient tranquille, dit-il. Mais hier, elle était violente. Elle s’est débattue comme un démon quand le barbier est venu. Elle a eu de la chance qu’il ne lui coupe pas la peau du crâne. On a été obligés de la tenir pendant qu’il maniait le rasoir. »
    Il ouvrit la porte et nous entrâmes dans un espace où l’odeur était encore plus insupportable qu’avant. Je restai bouche bée en voyant Elizabeth, car c’est à peine si elle avait figure humaine. Elle gisait recroquevillée dans la paille, le visage couvert d’égratignures et de filets de sang. On lui avait complètement rasé la tête, dont le dôme blanc contrastait de manière saisissante avec son visage sale et ensanglanté. Je m’approchai. Elle cilla et son regard se fixa sur Barak derrière moi.
    « C’est messire Barak, un confrère, dis-je. Vous ont-ils fait mal ? » Lorsque je tendis une main, elle eut un mouvement de recul. J’entendis un tintement métallique et vis qu’elle était attachée au mur par de longues chaînes. Des fers épais entouraient ses poignets et ses chevilles.
    « Est-ce le départ de la vieille femme qui vous a rendue furieuse ? »
    Elle ne répondit pas, me fixant seulement d’un regard chargé de colère. Barak s’agenouilla près de moi et me glissa à l’oreille : « Puis-je lui poser une question ? Je vous jure que je parlerai doucement. » J’hésitai. Mais quel mal pouvait-il lui faire, compte tenu de l’état dans lequel elle était ? Je hochai la tête.
    Il s’agenouilla devant elle. « J’ignore la cause de votre chagrin, demoiselle. Mais, si vous ne parlez pas, personne ne saura jamais la vérité. Vous mourrez et, avec le temps, les gens finiront par oublier. Ils se diront que l’énigme demeure et ils n’y penseront plus. »
    Elle étudia mon compagnon un long moment. Barak hocha la tête. « Est-ce cela qui vous a rendue furieuse quand on a emmené la vieille femme ? L’idée qu’on pourrait vous arracher au monde sans que personne ne vous entende, comme elle ? » Elizabeth bougea un bras et Barak eut un mouvement de recul, craignant qu’elle ne le frappe, mais non, elle cherchait seulement quelquechose dans la paille crasseuse. Elle en sortit un mince éclat de charbon. Se penchant en avant avec peine, elle déblaya un espace dans la paille à ses pieds. Je voulus l’aider, mais, d’un signe, Barak m’en dissuada. Elizabeth épousseta une plaque d’excréments séchés

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