Les larmes du diable
regardant bien en face.
Je me tus. Heureusement, Barak était beaucoup trop fébrile pour le remarquer. « Vous devriez mander cela au comte sur l’heure, dit-il avec insistance. Je confierai le message à Grey. Il faut que mon maître soit informé. »
J’hésitai. « Soit. Il est trop tard pour aller à Lincoln’s Inn ce soir, mais nous verrons demain si nous trouvons Marchamount à son cabinet.
— Si c’est lui qui tire les ficelles et si nous pouvons en apporter la preuve, le comte n’aura plus rien à craindre. » Il eut un sourire plein d’espoir.
Je hochai la tête. Mais si nous trouvons encore du feu grégeois, pensai-je, Cromwell ne l’aura pas. Au besoin, j’empêcherai Barak de le lui donner.
41
M algré tout , je dormis paisiblement cette nuit - là , et me réveillai vers six heures dispos, bien que mon dos fût douloureux lorsque je me levai. Je changeai le pansement de mon bras, content de voir que la brûlure était presque guérie puis, pour la première fois depuis des jours, je fis les exercices de Guy très scrupuleusement. Nous étions le huit juin. Plus que deux jours.
Après le petit-déjeuner, Barak et moi nous rendîmes à Lincoln’s Inn, où la journée des juristes ne faisait que commencer. Un étudiant, qui avait dû faire la fête, était vautré sur le banc où j’avais rencontré lady Honor. Il se remit sur son séant et grimaça en ouvrant les yeux, sous le regard réprobateur des avocats qui allaient et venaient, des liasses de papiers sous le bras. Nous passâmes devant mon bureau sans nous arrêter et nous dirigeâmes vers le cabinet de Marchamount.
Les deux secrétaires qui se trouvaient dans son premier bureau étaient agités. L’un expliquait avec inquiétude à un autre sergent une affaire que Marchamount aurait dû défendre le matin même. L’autre fouillait désespérément dans une pile de documents. Poussant une exclamation contrariée, il se dirigea à grands pas vers les appartements privés de Marchamount, dont la porte était ouverte. Nous lui emboîtâmes le pas.
« Ceci est un cabinet privé. Si vous êtes venus au sujet des affaires du sergent Marchamount, souffrez que nous vous fassions attendre un peu. Nous devons trouver les papiers dont nous avons besoin ce matin.
— Nous sommes ici sur ordre du comte Cromwell, répliquai-je. Pour enquêter sur la disparition du sergent et faire une perquisition. » Barak sortit le sceau. L’homme le regarda, eut un instantd’hésitation, puis secoua la tête, visiblement ennuyé. « Le sergent sera fort mécontent, il a ici des affaires personnelles. » Ayant trouvé le document qu’il cherchait, le secrétaire sortit à la hâte. Barak ferma la porte derrière lui.
« Que cherchons-nous ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas. Tout ce qui peut se présenter. Ensuite, nous fouillerons ses appartements.
— S’il est parti de son propre chef, il n’aura rien laissé de compromettant derrière lui.
— Si tant est qu’il soit parti. Regardez dans ces tiroirs, je m’occuperai du bureau. »
J’éprouvai un sentiment étrange en fouillant dans les affaires de Marchamount. Un tiroir fermé à clef nous donna quelque espoir, mais, lorsque Barak l’ouvrit, nous n’y découvrîmes qu’un arbre généalogique remontant à deux cents ans. Sous chaque nom était inscrite une occupation : poissonnier, fondeur de cloches, et le mot le plus infamant de tous : vilain. Sous un nom datant du siècle précédent, Marchamount avait griffonné : Cet homme avait des origines normandes !
« Il en avait vraiment envie, de ce titre de noblesse, dit Barak en riant.
— Oui, il a toujours été vaniteux. Allons explorer ses appartements maintenant. »
Là non plus, nous ne trouvâmes rien, hormis des vêtements, d’autres papiers juridiques et de l’argent, auquel nous ne touchâmes pas. Nous interrogeâmes les secrétaires qui purent seulement nous dire que la veille, à leur arrivée, Marchamount était déjà parti sans laisser d’instructions alors qu’il y avait mille choses à faire. Nous renonçâmes et retraversâmes la cour en direction de mon cabinet.
« J’espérais découvrir quelque chose », dit Barak.
Je secouai la tête. « Il va de soi que des personnes impliquées dans un tel complot ne laisseraient chez elles aucun indice permettant de faire le lien avec le feu grégeois. Les Gristwood avaient laissé l’appareil à projeter le feu à Lothbury, par exemple.
— Ils ont tout de même
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