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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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arrivé ? Je pensais comme Barak que la partie était jouée. Cependant, l’énigme sanglante me tourmentait toujours.
    Non loin de là, j’avisai la taverne où nous avions vu les marins, le Barbary Turk . J’y entrai. À cette heure, elle était vide et mes pas résonnèrent sur le plancher de la vaste salle plongée dans la pénombre. Le fémur du géant pendait toujours au bout de ses chaînes. Je l’examinai un moment, puis m’approchai du comptoir et demandai au patron de me servir une chope de bière. C’était un robuste gaillard aux allures d’ancien marin. Il examina d’un œil curieux mon pourpoint de bonne qualité.
    « C’est pas souvent qu’on a des gentilshommes ici. Vous étiez là l’autre soir, non ? C’est pas vous qui causiez à Hal Miller et à ses amis ?
    — C’est exact. Ils ont évoqué le jour où ils ont mis le feu à leur table. »
    L’homme se mit à rire et posa les coudes sur le rebord du comptoir. « Ah oui, quelle soirée ! J’aurais bien voulu qu’ils m’en fassent tâter, de leur bouteille. J’ai le goût des découvertes.
    — Comme cet os de géant, par exemple, dis-je en désignant l’objet d’un hochement de tête.
    — Ah, celui-là ! Il a été rejeté par le fleuve et il a échoué sur le sable juste à côté de l’embarcadère. Il y a vingt ans de ça. C’était du temps de mon père. L’os est apparu sur la boue un matin, abandonné par la marée. Les gens sont partis à la recherche du géant, mais bernique ! Mon père a pris le fémur et il l’a suspendu ici. Vous imaginez la taille du bonhomme entier ? Enfin, la Bible nous parle de géants, alors ce devait en être un. J’aurais préféré voir le squelette entier, mais cet os à lui tout seul attire les curieux, et c’est bon pour le commerce. »
    Il aurait continué sur sa lancée, mais je voulais être seul et emportai ma bière dans le coin sombre où Barak et moi nous étions installés l’autre soir.
    Les mots du tavernier me trottaient dans la cervelle : Cet os à lui tout seul attire les curieux, et c’est bon pour le commerce. Je songeai aux Gristwood, qui avaient travaillé avec Toky et Wright et leurmystérieux maître pendant six mois avant d’aller voir Cromwell, essayant de fabriquer du feu grégeois, s’efforçant de se procurer la boisson polonaise. Quels bénéfices ils devaient escompter ! Des bénéfices tirés de ce qui était, depuis le début, un complot contre Cromwell.
    Et brusquement, je compris. Le pourquoi et le comment m’apparurent, bien que l’identité du chef se dérobât encore. Mon cœur se mit à battre à tout rompre. Je tournai et retournai ma théorie dans ma tête cinq ou six fois. Elle s’accordait avec les faits beaucoup mieux que toutes mes autres conjectures. Je me levai soudain pour quitter l’auberge, si profondément absorbé par mes pensées qu’en sortant je me heurtai au fémur du géant, qui se balança une fois de plus au bout de ses chaînes.
    Je me rendis rapidement chez Joseph pour reprendre Genesis à l’écurie. Le cheval attendait, placide comme à son habitude. En sortant, je regardai la maison : bien que ce fût un logis des plus modestes, la pension coûterait à Joseph plus qu’il ne pouvait se le permettre. Ce cher Joseph, fidèle et tenace. Comme son zèle de dévot et son esprit tatillon m’irritaient parfois ! Pourtant, jamais sa loyauté envers Elizabeth ne s’était démentie. J’aurais dû me rendre chez les Wentworth le jour même, mais je tenais à ce que Barak m’accompagne pour l’occasion. Guy avait raison, cette maison était habitée par le mal. Et je voyais bien que si ma théorie se vérifiait, nous pourrions encore sortir Cromwell de l’ornière. Les secrets ne seraient plus de mise.
    Quand je fus de retour chez moi, Barak n’était pas rentré. J’attendis avec impatience pendant deux heures tandis que le soleil se couchait lentement. Je me souvenais de mes exhortations à la prudence. Pourvu qu’il n’ait pas fait de mauvaise rencontre ! Je fus infiniment soulagé en l’entendant rentrer et quitter ses bottes, et l’appelai pour qu’il vienne me rejoindre dans le salon.
    « Que s’est-il passé ? demanda-t-il en regardant mon visage enfiévré. Pas de mauvaise nouvelle ?
    — Non. » Je fermai la porte. « Barak, dis-je d’une voix excitée, je crois que j’ai compris ce qui est arrivé. Cet après-midi, je suis retourné à la taverne où nous avons rencontré les marins. Il y a un os de

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