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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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d’appeler le constable ou même de donner l’ordre à des passants de nous arrêter. La perspective d’une bagarre dans la rue ne me disait rien qui vaille. La main de Barak glissait déjà vers son épée.
    « Il faut que je vous dise, messire, que le Conseil tient à vous remercier…
    — Pardon ?
    — Pour avoir attiré notre attention sur les vieilles pierres de Ludgate. Les caractères hébreux montrent qu’elles provenaient d’une très ancienne synagogue. Ma foi, nous avons là un exemplaire unique à Londres d’écriture hébraïque. »
    Le soulagement m’envahit et j’avalai ma salive. « Je suis heureux d’avoir pu vous servir, messire. Mais, si vous voulez bien m’excuser, des affaires urgentes m’attendent.
    — Nous ferons en sorte que ces pierres soient exposées à l’hôtel de ville. Les Juifs ne sont plus qu’un souvenir, un vestige, mais ces pierres font néanmoins partie du patrimoine historique de notre ville et doivent être conservées.
    — Je vous en sais gré, messire Jephson ; maintenant, si vous voulez bien m’excuser… » Je fis un salut rapide et m’engageai dans une ruelle avant qu’il puisse en dire plus.
    « Le gueux, s’exclama Barak dès que nous fûmes hors de portée d’oreille. J’aurais aimé lui donner un bon coup de poing pour lui prouver que je ne suis pas un vestige.
    — Dieu merci, vous vous en êtes abstenu ! »
    Il désigna un homme qui vendait de la bière tirée au tonneau. « J’ai soif. »
    J’étais altéré moi aussi et nous prîmes une demi-pinte chacun, servie dans de petites coupes en bois. Comme nous buvions, mon regard suivit la ruelle menant à la rivière et j’eus un moment la sensation que nous étions épiés, sans pouvoir identifier personne dans la foule des passants affairés.
    Salt Wharf était une grande anse triangulaire découpée dans la berge du fleuve pour permettre aux petits bateaux de vider leurs cales. Des entrepôts bordaient un côté du bassin de Queenhithe, où deux navires de haute mer déchargeaient des oranges. Nous fîmes le tour du bassin, à la recherche de l’entrepôt du Pélican.
    C’était le dernier bâtiment, situé tout près du fleuve, une solide bâtisse en brique de trois étages. Dehors pendait une enseigne représentant un oiseau blanc avec un bec énorme. Les volets des fenêtres hermétiquement clos étaient garnis de barres de fer pour décourager les voleurs. Quant à la porte, elle était fermée par un gros cadenas. Si l’on s’affairait dans les bâtiments voisins, l’entrepôt du Pélican semblait désert.
    Nous allâmes jusqu’à l’extrémité sud du bâtiment, qui avait un accès direct au fleuve. Je regardai l’eau brune à nos pieds. La marée basse dévoilait la boue verdâtre qui couvrait le mur à cet endroit. En regardant vers le haut, je vis au premier étage une ouverture d’où sortait un treuil pour monter les marchandises des bateaux. Du treuil pendait une corde qui se balançait légèrement dans la brise.
    « Aucun signe de vie, dit Barak à côté de moi. J’ai frappé, personne n’a répondu. Ça sonne creux, comme si l’intérieur était vide. Voulez-vous que j’essaie d’entrer ? »
    Sur un signe d’assentiment de ma part, il sortit son petit outil de métal et se baissa pour crocheter le cadenas comme il l’avait fait au puits des Wentworth. Personne ne nous prêtait attention.
    « J’espère que les pendards n’ont pas pris la fuite, marmonna-t-il. Sans doute déménagent-ils le matériel régulièrement pour éviter d’être découverts.
    — Peut-être qu’il ne reste que Toky. » Même seul, celui-ci ferait un dangereux adversaire. Le cadenas s’ouvrit avec un cliquetis.
    « Et voilà, dit Barak. Allons voir ce qu’il y a là-dedans. »
    La porte aux gonds bien huilés s’ouvrit facilement. Quand Barak la poussa jusqu’au mur pour s’assurer que personne ne se cachait derrière, elle heurta la brique avec un son creux qui se réverbéra. Il faisait sombre à l’intérieur. L’entrepôt, aussi vaste que la nef d’une église et presque vide, n’était éclairé que par une fenêtre placée haut dans le mur. De petits brins de fils de laine jonchaient le sol. Une odeur de drap se mêlait à celle de moisi qui imprégnait l’air. Tirant son épée du fourreau, Barak entra. Je le suivis.
    « Aussi vide qu’un ventre de nonne », dit-il.
    Je levai les yeux vers l’extrémité de l’entrepôt. Un escalier en bois menait à l’étage,

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