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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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porte qu’ouvrait Fletcher.
    Le sergent Marchamount entra, secouant l’eau de son épais manteau. Il nous regarda. Sur son visage se lisait une cruauté froide et brutale que je ne lui avais encore jamais vue. Le masque d’urbanité était complètement tombé.
    « Vous avez présumé de vos talents, dirait-on.
    — Nous vous croyions mort, s’étonna Barak.
    — Vous commenciez à me talonner, alors j’ai jugé plus sage de disparaître, dit Marchamount. Nous avons eu la bonne idée de laisser la vie au fondeur jusque-là. Toky et Wright l’ont emmené à Lincoln’s Inn, et ont débité le faquin à la hache. Puis ils ont passé ma bague à l’un de ses doigts et ont emporté le corps dans une charrette. Cette ouverture est très utile pour jeter des objets dans la Tamise. Vous ferez bientôt votre sortie par là.
    — Wright est mort, dit Toky avec un regard menaçant vers moi. Ils l’ont jeté du toit de St Paul. Je veux le venger.
    — Ainsi, c’est de lui que tout le monde parle dans la Cité », répondit Marchamount d’un ton détaché. Il ôta son manteau, révélant un élégant pourpoint brodé de petits diamants. « Les gens disaient qu’un attentat avait visé Cranmer. » Il regarda Toky. « Soit, poursuivit-il à mi-voix, tout à l’heure vous ferez d’eux ce que bon vous semble. Ah, à propos, j’ai renvoyé Jackson chez son maître. Ils arrivent. Nous devrons attendre encore un peu avant d’être au complet, car cette pluie transforme les rues en rivières. » Marchamount s’assit sur le bord de la table, croisant ses mains dodues. Il paraissait pensif. « Ainsi donc, Cromwell a appris que nous n’avons pas su fabriquer de nouvelles réserves de feu grégeois, n’est-ce pas ? Mais il ignore encore nos noms.
    — Pour l’instant », dis-je. Il était inutile de nier.
    « L’alchimie n’est pas votre fort, hein ! » railla Barak.
    Pour toute réponse, Marchamount le gifla sauvagement. « Je suis sergent, maroufle, et vous êtes prié de me parler avec respect. »
    Barak le dévisagea avec insolence. « Ce qui ne vous a pas empêché de vous livrer à une vulgaire imposture, car ce n’est rien d’autre.
    — Vous vous trompez », objecta une voix aristocratique depuis l’entrée.
    ----
    14 . Équivalent du liard français, à la même époque.

44
    M archamount et les deux coquins firent un profond salut au duc de Norfolk qui entrait, suivi du jeune Jackson. La pluie gouttait de son manteau doublé de fourrure. Jackson avait dû assister au banquet comme domestique de Norfolk, et non de lady Honor. Avec un soulagement mêlé d’horreur, je compris que le complot atteignait les plus hautes sphères du pouvoir.
    Norfolk jeta son manteau à Fletcher, puis me dévisagea de son regard hautain. Je n’avais aucune pitié à attendre de lui, je le savais. Il s’approcha de la balle de drap. Fletcher se leva prestement pour lui céder la place.
    « Eh bien, messire Shardlake, dit-il, grâce à vous, je viens de traverser la rivière sous une pluie battante. » Il sourit froidement. « Vous n’avez pas démérité, compte tenu des forces adverses que vous deviez affronter, et qui étaient plus nombreuses que vous ne le soupçonniez. Il ne m’aurait pas déplu d’avoir de mon côté des hommes de votre trempe. Mais vos sympathies vont ailleurs, non ? Alors, que sait Cromwell ? »
    Je mentis : « Il sait que les Gristwood n’ont pas pu fabriquer de feu grégeois.
    — Et comment avez-vous découvert cela ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.
    — En reconsidérant toute l’affaire depuis son commencement.
    — Ah oui ! le moine Kytchyn. J’imagine qu’il a filé se mettre à l’abri dans l’un des asiles de Cromwell.
    — Oui, il se trouve en sécurité. J’ai aussi consulté des sources anciennes, et j’ai alors compris qu’il manquait pour fabriquer le feu grégeois un élément essentiel mais introuvable en Angleterre. Peut-être en êtes-vous arrivé à la même conclusion ? Est-ce pourcela que Marchamount a pris les livres dans la bibliothèque de Lincoln’s Inn ? »
    Celui-ci hocha la tête. « Bien sûr. Et j’ai menacé le bibliothécaire de le faire punir par le duc s’il posait la moindre question. Il semble que nous ayons suivi le même chemin, Shardlake. Ces livres ont fini par me donner mal à la tête. Mais, je sais que nous ne pourrons jamais fabriquer de feu grégeois en Angleterre. »
    Norfolk opina. « Cependant, vous ignoriez que c’était moi qui

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