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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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À présent elle me regardait d’un air outragé.
    « Souhaitez-vous plaider votre ventre, demoiselle ? » demanda Forbizer. Elle secoua la tête lentement, puis la baissa, faisant une fois de plus retomber ses cheveux sur son visage.
    « Ainsi, vous comprenez l’anglais », lui lança Forbizer. Il se tourna de nouveau vers moi. « Tous les prétextes vous sont bons pour obtenir un délai, mon cher confrère. C’est inadmissible. » La tête enfoncée dans les épaules, il s’adressa encore une fois à Elizabeth : « Si vous n’avez pas l’âge de la majorité, demoiselle, vous avez assurément celui de la responsabilité. Vous savez ce qui est bon ou mauvais devant Dieu. Or vous êtes accusée de ce crime infâme et vous refusez de répondre. Je vous condamne à subir la peine forte et dure. Que les poids vous soient appliqués dès cet après-midi. »
    Je me levai d’un bond. « Votre Honneur…
    — Pour l’amour du ciel, Shardlake, taisez-vous ! » tonnaForbizer en abattant son poing sur sa table. Il fit signe au constable. « Emmenez-la ! Qu’on fasse entrer les petits délits et malversations. » L’homme obéit et conduisit Elizabeth, qui gardait la tête obstinément baissée, hors de la salle. Avant que la porte ne se referme sur eux, j’entendis une femme dire à une autre : « La presse tue plus lentement que la corde. Bien fait pour elle. »
    Je restai assis, tête basse. Comme les spectateurs se levaient, il y eut un brouhaha de conversations et des bruits d’étoffe froissée. Beaucoup étaient venus voir Elizabeth ; les petits vols de moins d’un shilling ne provoquaient guère de curiosité. Les coupables seraient seulement brûlés au fer dans la main, ou on leur couperait les oreilles. Seul Bealknap, toujours embusqué dans son coin de fenêtre, paraissait intéressé, car ceux qui étaient accusés de délits mineurs pouvaient toujours réclamer le bénéfice de clergie. Edwin quitta la salle avec les autres. Joseph resta seul sur son banc, regardant d’un air navré son frère s’éloigner. Le jeune homme aux traits aigus était déjà parti ; peut-être avec sir Edwin. Je m’approchai de Joseph.
    Il me saisit la main. « Messire, accompagnez-moi à Newgate sur l’heure. Quand on lui montrera les poids, la pierre sur laquelle on la couchera, sans doute aura-t-elle peur et se décidera-t-elle à parler. Cela la sauverait, non ?
    — Oui, elle comparaîtrait à nouveau pour être jugée. Mais elle ne parlera pas, Joseph.
    — Essayez, messire, je vous en prie. Une dernière fois. Venez avec moi… »
    Je fermai quelques instants les yeux. « Soit. »
    Comme nous traversions le vestibule, Joseph poussa un gémissement et crispa ses mains sur son abdomen.
    « Aïe, mon ventre ! Je crois qu’il se ressent de tous ces soucis. Y a-t-il un cabinet privé par ici ?
    — À l’arrière. Je vous attends. Dépêchez-vous. Ils vont lui appliquer la presse sans délai. »
    Il se fraya un chemin à travers la foule des gens qui sortaient. Resté seul, je m’assis sur un banc. Puis j’entendis des pas rapides dans la salle, dont la porte s’ouvrit à toute volée. Le secrétaire de Forbizer, un petit homme rond, trotta vers moi, le visage rouge, toge et manches au vent. « Mon cher confrère, haleta-t-il. Dieu soit loué. Je craignais que vous ne fussiez parti.
    — Qu’y a-t-il ? »
    Il me tendit une feuille. « Le juge s’est ravisé et il m’a demandé de vous donner ceci.
    — Pardon ?
    — Il s’est ravisé. Vous disposez de deux semaines pour convaincre demoiselle Wentworth de plaider. »
    Je le dévisageai sans comprendre. Personne n’avait l’air moins disposé à se raviser que Forbizer. Le secrétaire avait une mine fuyante et gênée. « Un double est déjà parti pour Newgate. » Il me brandit la feuille sous le nez et disparut dans la salle d’audience.
    Je regardai le papier. Un ordre bref au-dessus de la signature anguleuse de Forbizer, stipulant qu’Elizabeth Wentworth devait rester enfermée dans la basse-fosse de Newgate encore douze jours, jusqu’au dix juin, afin de reconsidérer sa défense. Je restai assis, regardant autour de moi et m’efforçant de comprendre. C’était un revirement extraordinaire de la part d’un juge, à plus forte raison de Forbizer.
    Quelqu’un me toucha le bras. Je levai les yeux et vis à côté de moi le jeune homme à l’air malin. Je fronçai les sourcils et il m’adressa un de ses sourires caustiques, qui lui releva les

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