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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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avaient noté leur verdict. Je perçus la tension sur le banc des accusés : les prisonniers regardaient fixement les morceaux de papier qui allaient sceller leur destin. Elizabeth elle-même leva un instant les yeux avant de baisser à nouveau la tête.
    Cinq prisonniers furent déclarés innocents du vol dont ils étaient accusés, et sept coupables, dont la vieille femme et son fils, répondant au nom de Corde. Lorsque le verdict fut annoncé, lavieille dame prit la parole, suppliant le juge d’épargner son fils, qui n’avait que dix-neuf ans.
    « Dame Corde, dit Forbizer dont la lèvre inférieure se retroussa légèrement, rouge sur le fond gris de sa barbe, crispée dans sa moue habituelle de mépris, vous avez volé ce cheval ensemble, vous avez été tous deux déclarés coupables de vol et vous aurez donc tous deux la corde au cou. » Quelqu’un rit dans l’assistance, aussitôt fustigé par un regard glacial de Forbizer, qui détestait le manque de sérieux au tribunal, même en réaction à ses propres plaisanteries. La vieille femme saisit le bras de son fils, qui avait recommencé à pleurer.
    Le constable détacha ceux qui avaient été jugés innocents, lesquels se hâtèrent de disparaître. Les condamnés furent reconduits à Newgate, et le bruit de leurs chaînes s’estompa. Elizabeth était seule sur le banc des accusés.
    « Demoiselle Wentworth, grinça Forbizer, allez-vous répondre maintenant ? »
    Silence. Dans la salle s’élevèrent des murmures que Forbizer fit cesser d’un regard. Je me levai, mais il m’intima l’ordre de me rasseoir.
    « Une minute, cher confrère. À nous, demoiselle. Coupable ou non coupable ? Cela n’est quand même pas difficile à dire. » Elizabeth garda le silence. Forbizer pinça les lèvres. « Fort bien. Dans ce cas, la loi est très claire. Vous subirez la peine forte et dure, jusqu’à ce que vous parliez ou que mort s’ensuive. »
    Je me levai à nouveau : « Votre Honneur… »
    Il se tourna froidement vers moi. « Il s’agit d’un procès criminel, mon cher confrère. On n’entend pas de plaidoirie. Ne connaissez-vous donc pas la loi ? » Il y eut des rires dans l’assistance. Le public voulait la mort d’Elizabeth.
    Je rassemblai mon courage : « Votre Honneur, je souhaite intervenir non pas sur l’assassinat, mais sur l’incapacité de ma cliente. Elle ne répond pas parce qu’elle n’a plus sa tête, elle est démente. Aussi ne devrait-elle pas subir le supplice de la presse. Je demande qu’elle soit examinée…
    — Le jury pourra apprécier son état mental lorsqu’elle sera jugée, coupa-t-il. Si elle consent à parler. »
    Je regardai Elizabeth. Elle avait porté les yeux sur moi, mais ils étaient toujours aussi fixes et vides.
    « Votre Honneur, dis-je d’un ton ferme, j’aimerais citer le précédent d’Anon au tribunal du banc du roi en 1505, où il a été considéré qu’un accusé qui refuse de plaider et dont la santé mentaleest remise en question doit être examiné par un jury. » Je montrai une copie du procès. « J’ai ici…
    — Je connais cette affaire, trancha Forbizer en secouant la tête. Ainsi que l’affaire contradictoire de Bedloe, jugée au tribunal du banc du roi en 1498, qui stipule que seul le jury d’assises est habilité à décider de la santé mentale d’un accusé.
    — Mais s’il faut choisir entre ces affaires, Votre Honneur, j’attire votre attention sur le fait que ma cliente n’a pas l’âge de la majorité, et qu’eu égard à la faiblesse du sexe qui est le sien… »
    La lèvre de Forbizer se retroussa de nouveau, charnue et humide, dans la masse grise de sa barbe. « Et vous voudriez qu’un jury soit constitué pour statuer sur la santé mentale de votre cliente, ce qui vous permettrait de gagner du temps pour elle. Non, mon cher confrère, non !
    — Votre Honneur, jamais la vérité ne sera connue si ma cliente meurt sous la presse. Il n’y a que des preuves par présomption dans cette affaire, et la justice exige une enquête plus approfondie…
    — Là, vous intervenez sur l’affaire elle-même, Shardlake. Je ne le tolérerai pas…
    — Elle est peut-être enceinte, dis-je en désespoir de cause. Comment le savoir, puisqu’elle ne dit rien ? Nous devrions attendre de voir ce qu’il en est. Songez que le supplice risque de tuer un enfant dans le sein de sa mère ! »
    Les murmures reprirent de plus belle dans la salle. L’expression d’Elizabeth avait changé.

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