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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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rapidement. Sans lui, j’aurais pu faire une mauvaise chute.
    Je regardai non sans regret l’entrée familière de Lincoln’s Inn tandis que Barak se dirigeait vers celle des Archives. Au centre d’un labyrinthe de maisons aujourd’hui occupées par des hommes proches du pouvoir s’élevait une grande église trapue. Un garde portant la livrée bleu et jaune de Cromwell se tenait devant la porte une pique à la main. Sur un signe de tête de Barak, l’homme salua et d’un claquement de doigts appela un gamin pour mener nos chevaux à l’écurie.
    Quand Barak poussa la lourde porte de l’église, nous entrâmes dans un espace envahi de rouleaux de parchemin noués de rubans rouges, qui s’entassaient le long des murs ornés de scènes de la Bible aux couleurs passées et s’amoncelaient contre les bancs. Çà et là, un greffier en robe noire les triait, en quête de précédents. D’autres greffiers faisaient la queue près du bureau des six secrétaires, attendant une assignation ou une date d’audience.
    Jamais je n’avais pénétré dans ce bureau. Les rares fois où j’avais eu affaire à la chancellerie, j’avais envoyé un greffier s’occuper de la paperasserie, la lenteur des transactions de cette cour étant légendaire. Je laissai mes yeux courir sur les milliers de rouleaux de parchemin. Barak suivit mon regard.
    « Les fantômes des anciens Juifs ont des lectures ardues ! dit-il. Suivez-moi, par ici. » Il me conduisit vers une petite chapelle latérale fermée par un mur ; un autre garde en livrée aux couleurs vives se tenait à la porte. Cromwell n’allait-il plus nulle part sans gardes armés ? Barak frappa légèrement et entra. Je pris une grande inspiration et le suivis. Mon cœur s’était remis à cogner.
    Les fresques de la petite chapelle avaient été passées à la chaux, car Thomas Cromwell détestait les décorations idolâtres. L’endroit avait été transformé en vaste salle de travail, avec placards muraux et chaises tirées devant un bureau qu’éclairait de façon incongrue un vitrail en surplomb. Devant nous, une table imposante était couverte de papiers et de parchemins ; dans un coin, derrière un bureau de moindres dimensions, était assis un homme de petite taille en robe noire. Je le connaissais : c’était Edwin Grey, le secrétaire particulier de Cromwell. Il le secondait depuis quinze ans, depuis que le comte avait commencé à travailler pour Wolsey 8 . Lorsque j’étais en faveur, j’avais eu souvent affaire à lui. Il se leva et nous adressa un salut. Sous les cheveux gris clairsemés, le visage rose et rond paraissait inquiet.
    Il me serra la main de ses doigts noircis par des années d’écriture à l’encre. Il fit un signe de tête à Barak et je perçus une lueur d’antipathie dans son regard.
    « Messire Shardlake… Comment vous portez-vous ? Voilà longtemps que nous ne nous sommes vus.
    — Bien, ma foi, messire Grey. Et vous ?
    — Bien, malgré l’époque. Mon maître a dû donner réponse à un message, il ne tardera pas.
    — Comment va-t-il ? » risquai-je.
    Grey hésita. « Vous verrez. » Il se tourna brusquement, entendant la porte s’ouvrir. Thomas Cromwell entra à grands pas dans la pièce. Mon ancien maître avait la mine renfrognée, mais, à ma vue, un large sourire éclaira ses traits lourds. Je m’inclinai profondément.
    « Matthew, Matthew ! » s’exclama-t-il avec chaleur. Me saisissant la main, il la serra énergiquement, puis alla s’asseoir derrière son bureau. Je l’étudiai. Il était vêtu sobrement d’une robe noire. Un seul ornement, l’ordre de la Jarretière dont le roi l’avait décoré, se balançait sur son pourpoint bleu foncé. En le détaillant, je fusfrappé par le changement qui s’était opéré en lui depuis notre dernière entrevue, trois ans auparavant. Il avait les cheveux beaucoup plus gris et ses traits étaient tirés par la fatigue et les soucis.
    « Eh bien, Matthew, comment vous portez-vous ? Vos affaires prospèrent-elles ? »
    J’hésitai, songeant à celles que j’avais perdues. « Ma foi, je ne me plains pas, mons… Votre Grâce », rectifiai-je, me rappelant la façon dont on s’adressait à un comte.
    « Qu’avez-vous sur votre robe ? Et sur votre pourpoint, Jack ?
    — De la poussière, Votre Grâce, répondit Barak. Ils sont en train d’abattre le chapitre du couvent de Whitefriars, et ils ont failli nous faire subir le même sort. »
    Cromwell se mit à rire et

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