Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
jusqu’au bout de la jetée, Barak sur les talons. Je plongeai le regard dans les eaux brunes et tumultueuses.
    « Vous avez assisté à la seconde démonstration ?
    — Non. Mon maître m’avait demandé de trouver un autre bateau, plus grand, une vieille corvette, et de la lui apporter ici.Mais ce jour-là, il est venu seul. Il m’a dit que le second bateau avait été détruit exactement comme le premier. »
    Je hochai la tête, pensif. « Ainsi, pour que le feu grégeois agisse, il faut cet appareillage. Qui l’a construit pour les Gristwood et où le rangeaient-ils ? »
    Barak me jeta un regard narquois. « Alors, vous y croyez, maintenant ?
    — Je crois que vous avez vu quelque chose de fort étonnant. »
    Un navire marchand apparut, voguant au milieu du fleuve, une grosse caraque rentrant à Londres, en provenance de quelque lointaine contrée. Ses voiles étaient choquées pour prendre la brise légère, et sa proue robuste fendait orgueilleusement les vagues. En nous voyant, les marins sur le pont se mirent à crier en agitant les bras : nous étions sans doute les premiers Anglais qu’ils voyaient depuis des mois. Tandis que le bateau passait devant nous, je l’imaginai en flammes de la proue à la poupe, les marins hurlant, sans aucun espoir de salut.
    « Nombreux sont ceux qui prétendent que la fin du monde est proche, dis-je à mi-voix. Que le monde sera détruit, que le Christ reviendra et que sonnera l’heure du Jugement dernier.
    — Vous y croyez ?
    — Je n’y croyais pas avant ce jour. » Un autre bateau dépassa la caraque et s’approcha de nous. « Voilà notre marinier. Rentrons à Londres et partons en quête de ce bibliothécaire. »
     
    Nous demandâmes au passeur de nous conduire à Westminster, car les bureaux de la cour des augmentations se trouvaient dans une salle où l’on accédait par Westminster Hall, le palais de justice. Après avoir monté l’escalier, nous fîmes une pause dans la cour de New Palace pour reprendre notre souffle. Le soleil était à son zénith ; encore une chaude journée. Il n’y avait plus beaucoup d’eau dans la fontaine ; je pensai à des pompes, des siphons, des cuves.
    « Alors c’est ici que viennent les avocats pour discuter, dit Barak en regardant avec intérêt la haute façade nord de Westminster Hall où s’ouvrait son énorme vitrail.
    — Oui, c’est ici que siègent les cours de justice civiles. Vous n’y êtes donc jamais entré ?
    — Comme toutes les honnêtes gens, moins je m’en approche, mieux je me porte. »
    Il me suivit dans l’escalier menant à la porte du nord. À la vue de ma robe noire, le garde me fit un salut de la tête et nous entrâmes. En hiver, l’intérieur de ce gigantesque bâtiment de pierre est glacial, et tout le monde frissonne, sauf les juges avec leurs fourrures. Même ce jour-là, il y faisait froid. Barak leva les yeux vers l’immense plafond sculpté et les statues des anciens rois près des hautes fenêtres. Il émit un sifflement qui se réverbéra comme le moindre bruit en ce lieu.
    « Ça ne ressemble guère à l’Old Bailey.
    — Non, en effet. » Le Hall était un long espace bordé de part et d’autre d’échoppes vides ; au bout se trouvaient les cours de justice, derrière leurs cloisons basses : le banc du roi, les plaids communs, la chancellerie. Tables et bancs étaient vides, noyés dans le silence. Demain commencerait la session et il y aurait une telle foule que chaque pouce de l’espace serait occupé. Or je devais plaider contre Bealknap ici même dans une semaine. Il faudrait que je trouve le temps de préparer mon intervention. Je regardai une porte dans le coin le plus éloigné. De derrière parvenait un murmure de voix. « Venez », dis-je à Barak, et je le conduisis aux bureaux de la cour des augmentations.
    Il n’y avait rien d’étonnant à ce que les Augmentations eussent obtenu une dispense pour ouvrir le dimanche. Il n’y avait pas de lieu plus affairé que celui-ci, où l’on s’occupait de la vente de centaines de bâtiments monastiques et où l’on gérait les pensions des anciens moines. À l’intérieur, de part et d’autre de la salle, étaient installés des guichets où des commis répondaient aux questions. Un groupe de femmes au visage inquiet, à la mise austère, argumentaient avec un commis qui avait l’air épuisé.
    « On avait promis la croix du maître-autel à notre abbesse, disait l’une des femmes d’un ton plaintif. Pour

Weitere Kostenlose Bücher