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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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jusqu’au bateau sur une passerelle de bois posée sur une belle épaisseur de boue chargée de détritus. Devant le cadavre gonflé d’un âne mort, je détournai la tête et me bouchai le nez. Je ne fus pas fâché de m’asseoir dans l’embarcation. Le passeur se dirigea vers le milieu de la Tamise.
    « Voulez-vous franchir les rapides sous London Bridge ? s’enquit-il. Ça vous fera deux pence de plus. »
    C’était un jeune gaillard plutôt laid, au visage barré d’une cicatrice, sans doute récoltée dans une rixe. Les bateliers de la Tamise avaient la réputation d’être une engeance batailleuse. J’hésitai, mais Barak opina : « Oui, l’eau est basse et il n’y aura pas beaucoup de courant sous les ponts. »
    Je m’agrippai aux flancs du bateau tandis que surgissaient les arches du grand pont sur lequel se dressaient des maisons tassées les unes contre les autres. Le passeur gouverna prestement son bateau entre les piles et nous continuâmes notre chemin en aval, laissant derrière nous Billingsgate, où de grands navires de haute mer étaient à l’ancre, puis la masse menaçante de la Tour de Londres. Nous dépassâmes ensuite les nouveaux chantiers navals de Deptford, et je regardai avec admiration le grand vaisseau de guerre du roi, la Mary Rose , qui était en réparation, et dont les gigantesques mâts et les gréements impressionnants se dressaient, hauts comme des clochers au-dessus des bâtiments environnants.
    Au-delà de Deptford, les habitations se faisaient plus rares et le fleuve s’élargissait ; à peine voyait-on la rive opposée. Des marécages couverts de joncs descendaient jusqu’au bord de l’eau. Les quelques embarcadères devant lesquels nous passions semblaient abandonnés, car les chantiers navals étaient concentrés plus en amont.
    « Nous y voilà », dit enfin Barak, se penchant par-dessus le flanc du bateau. À quelque distance, j’aperçus une jetée délabrée qui se dressait sur des pilotis de bois. Une bande de terre couverte d’herbes sèches, où les roseaux avaient été défrichés, s’étendait devant un grand hangar en bois qui menaçait ruine.
    « J’imaginais quelque chose de plus grand, dis-je.
    — Mon maître a choisi cet endroit pour sa discrétion. »
    Le passeur manœuvra sa barque jusqu’à la jetée et saisit une échelle fixée à l’extrémité, que Barak escalada avec agilité. Je suivis avec plus de précaution.
    « Revenez nous chercher dans une heure », lança Barak au passeur en lui payant la traversée. L’homme hocha la tête et repartit, nous laissant seuls. J’examinai les lieux. On n’entendait d’autre bruit que le murmure de la brise qui agitait les roseaux où voletaient des papillons aux couleurs vives.
    « Je vais juste vérifier que le hangar est vide, déclara Barak, au cas où un vagabond s’y serait installé. »
    Pendant qu’il allait jeter un coup d’œil entre les planches disjointes, mon regard fut attiré par ce qui pendait d’un anneau fixé à une bitte d’amarrage en fer à l’extrémité de la jetée : une corde épaisse en chanvre tressé, qui aurait pu servir à retenir un bateau. Je la tirai à moi. Il n’y avait que cinquante centimètres de corde et le bout en était calciné, comme si le reste avait brûlé.
    Barak me rejoignit. « La voie est libre ! » dit-il en me rejoignant. Il me tendit une outre de cuir. « Vous avez soif ?
    — Merci ». J’ôtai le bouchon et bus une gorgée de petite bière. Barak fit un signe de tête en direction de la corde que je tenais toujours. « C’est tout ce qui reste du bateau que j’avais attaché ici.
    — Contez-moi cette histoire. »
    Il me conduisit à l’ombre du hangar. Pendant quelques instants, il scruta le fleuve, puis prit une autre gorgée de bière et commença son récit. Il narrait avec plus d’aisance que je ne l’aurais supposé, et sa forfanterie habituelle cédait le pas à un authentique émerveillement.
    « C’était en mars. Mon maître m’avait dit d’acheter une vieille gabarre à mon nom, et de la faire amener ici. J’en ai trouvé une, un grand rafiot de dix mètres, que j’ai fait conduire à la rame et amarrer ici.
    — Une fois, je suis monté du Sussex à Londres en gabarre.
    — Vous connaissez ce genre de bateau, alors. Long et lourd. Celui-ci était un bâtiment à voiles et à rames, qui autrefois transportait le charbon de Newcastle. La Bonaventure , elle s’appelait, cette gabarre. » Il secoua la tête.

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