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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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front de l’est. L’offensive du Chemin des Dames commença le 19 avril et dura un mois plein. Mais le jeune artilleur n’en connut jamais l’issue. Il fut abattu par un tir de mortier par une belle journée du début du mois de mai.
    Ce même jour, on entendit Barenton gronder.

    Yann referma le coffre, regrettant déjà de l’avoir ouvert. Il avait cédé à un instant d’émotion, au désir de ressusciter un passé enfoui, de lui redonner vie. Mais on ne profane pas impunément les tombes où sont enfermés les souvenirs. Ce n’est pas la vie que l’on ranime ainsi, mais des fantômes, des âmes errantes, des destins brisés.

9
    Concoret, dimanche 31 octobre 1943
    À Concoret, on ne parlait que de l’intervention de Gwenn pour sauver le bossu et de la façon dont Philippe de Montfort avait menacé les villageois de son fouet. Lorsque les lavandières revinrent de leur buée , à l’heure de la messe, elles n’eurent qu’à ouvrir leurs oreilles pour glaner les commentaires qui allaient bon train.
    – On ne lui avait rien fait ! s’exclamait un costaud à moustaches. Les garçailles se sont un peu amusés avec le charbonnier. Pas méchamment, d’ailleurs. Ils l’ont juste un peu secoué…
    – Faut dire qu’on était tous un peu énervés, à cause des Boches, compléta l’épicier. Ils se croient chez eux et nous privent de mangeaille. Ils m’ont pris toutes mes réserves. De quoi je vais vivre, moi ? J’ai un commerce à tenir…
    – Et le marché noir, c’est fait pour les chiens ? ironisa un vieux entre deux verres de gwin ruz auquel l’épicier avait refusé deux ou trois fois une bouteille de lambig et qui, pour cette raison, avait une dent contre lui. Tu sais bien la cacher, ta mangeaille. Les Boches i’sauront pas la trouver !
    Avant que l’épicier n’ait eu le temps de réfuter ces allégations parfaitement fondées, une vieille encapuchonnéed’une coiffe si blanche qu’elle ne se distinguait pas de sa chevelure y alla elle aussi de son couplet :
    – Les Boches et les charbonniers, c’est du pareil au même ! Des intrigants qui ne sont même pas d’ici. Si j’étais un homme, avec trente ans de moins, je te les foutrai dehors, tous autant qu’ils sont ! Heureusement, y a des p’tits gars qui font ce que les grandes goules ont pas le couraige de faire…
    – Tais-toi, mamm-goz  ! s’écria un fermier dont le fils avait refusé le S.T.O. et s’était réfugié en forêt. Les murs ont des oreilles, et les bouches colportent ce que les oreilles ont entendu, surtout au lavoir…
    Disant cela, il louchait du côté de Dahud, qui écoutait d’un air placide tout ce qui se disait sur la place. On la savait en affaires avec les Montfort, dont on connaissait les accointances avec les envahisseurs. Ce que sa langue vipérine répétait à l’encan pouvait fort bien être rapporté aux Allemands.
    La lavandière se contenta de fixer le fermier dans les yeux puis hocha lentement la tête avant de se détourner.
    – Annaïg ! lança-t-elle à sa fille sans la regarder. Viens-t’en à la maison après la messe. Moi, je vais préparer le dîner…
    Lorsqu’elle se fut éclipsée, le fermier cracha par terre en marmonnant des paroles incompréhensibles.

    Dahud et sa fille habitaient une maisonnette aux murs de terre et au toit de chaume. Comme toutes les chaumines du village, elle avait son entrée principale et sa fenêtre au sud, afin de profiter au mieux de la lumière. Les plafonds étaient bas et noircis par les fumées du poêle où flambait un mauvais charbon. Le sol en terre battue exhalait des odeurs d’humus et la porte d’entrée était coupée àmi-hauteur, de façon à ce que l’on puisse tenir la partie basse fermée tandis que la partie haute, la contre-porte, demeurait ouverte. Grâce à cet usset , comme on l’appelait, on pouvait faire entrer un peu d’air dans l’ oté , la partie habitable de la maison, tout en empêchant les animaux d’y pénétrer. À côté, il y avait une pièce, « l’en-bas », où l’on rangeait les ustensiles courants : outils, pelles et râteaux, balais de bourdaine, paniers et corbeilles d’osier, ficelle de chanvre, chandelles de résine, pots et écuelles. À l’arrière, une fornette, trou où l’on jetait les cendres et que l’on vidait en fin de semaine. La chaumine ne se distinguait pas des autres maisons du village. Elle était simple et rustique, mais suffisamment fonctionnelle pour assurer

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