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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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entière, redorant un blason qui, déjà, commençait à se défraîchir. Il prit à part Edern, s’enferma avec lui dans l’un des nombreux salons de Ker-Gaël, partagea avec lui un verre de lambig , lui offrit un cigare de sa collectionpersonnelle, le considéra gravement durant un bon moment, souffla un rond de fumée et finit par dire :
    – Edern, tu fais honneur à ta famille, à la Bretagne et à la France. C’est dans cet ordre, en effet, que vont naturellement tes devoirs. Je te félicite donc de tes faits d’armes, mais je souhaiterais qu’à l’avenir tu contemples les assauts d’un peu plus loin.
    – Je suis dans l’artillerie, père. Nous sommes toujours en première ligne…
    – Je sais, soupira Alphonse. Mais vois-tu, mon fils, comme je viens de te le dire, tes responsabilités privées priment sur la défense de ta patrie. Tu es l’aîné de mes deux fils, ne l’oublie pas, et le seul capable d’assumer l’héritage du domaine. Si tu venais à être blessé, ou pire… Je ne vois pas Hubert remplir correctement le rôle qui est le tien…
    Edern avait longuement regardé son père. Ce n’était pas pour sa vie ou sa santé qu’il s’inquiétait, mais pour la survie du nom et du domaine. Il ne s’en étonna pas. Le baron n’avait jamais été un modèle d’amour paternel.
    – À propos de responsabilités, répondit le jeune homme, j’aimerais vous entretenir d’un projet qui me tient à cœur, père. Nous en avions déjà parlé avant mon départ, et je connais vos réserves à son sujet, mais les événements dramatiques qui secouent actuellement notre pays, ainsi que les faits d’armes dont vous avez eu la bonté de me féliciter, me donnent, me semble-t-il, quelques droits à renouveler ma demande.
    À cette entrée en matière, Alphonse fronça aussitôt les sourcils.
    – De quoi veux-tu parler, mon fils ? Tu es bien mystérieux…
    – Dans ce cas, je vais être clair et direct, père. Je souhaite épouser Solenn Josselin.
    Alphonse de Montfort faillit s’étouffer avec la fumée de son cigare, et dut absorber une large rasade de lambig pour se reprendre.
    – Je pensais cette conversation définitivement close, Edern ! Il n’est pas question que tu te maries en dessous de ta condition et que tu épouses une…
    – Attention à ce que vous allez dire, père ! Vous parlez de ma fiancée, celle qui sera bientôt ma femme, avec ou sans votre permission !
    Le visage du baron s’empourpra et ses bajoues ornées de favoris se mirent à trembloter de rage.
    – Comment oses-tu ! Ton képi et tes décorations t’ont monté à ce point à la tête que tu oses défier ta propre famille et manquer de respect à ton père ? Tu n’épouseras point cette… cette paysanne, entends-tu ? Fais ta guerre, sois un héros, collectionne les médailles… Mais lorsque tu reviendras, tu t’uniras à une fille issue de notre classe, que cela te plaise ou non !
    Sans un mot, le visage dur et le regard glacé, Edern se leva et quitta la pièce puis le château pour rejoindre Solenn qui l’attendait près du doué . À son air contrarié, elle devina qu’une altercation venait d’opposer le père au fils, et elle en comprit la cause. Mais ils étaient tellement heureux de se revoir que les brumes de leurs désillusions se dissipèrent au fur et à mesure que le soir complice jetait un drap d’ombre sur leurs amours. Edern repartit le lendemain de Noël, sans avoir adressé la parole à son père.

    Puis ce fut, en 1915, la grande offensive de Champagne. À Tahure, le 35 e régiment d’artillerie fut de nouveau cité à l’ordre de l’armée. L’année suivante, à la fin du mois de mars, les artilleurs bretons participèrent à la bataille de Verdun durant quatre semaines d’enfer. En mai 1916, lerégiment passa quelques mois à l’arrière, mais ce fut pour repartir à l’assaut du fort de Vaux en novembre de la même année. La guerre s’éternisait depuis trois ans déjà. Tous les quatre mois, les conscrits avaient droit à une semaine de permission, sauf lorsqu’ils se trouvaient au front. Chaque fois qu’il le pouvait, Edern revenait à Concoret. Il passait le plus clair de son temps avec Solenn. Ils discutaient des heures entières, se tenaient par les mains, s’effleuraient le visage. Ils parlaient de leur mariage prochain, avec ou sans l’accord de leurs familles. La jeune fille avait dix-neuf ans désormais et travaillait comme lavandière au doué

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