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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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truandaille est partout… Comptez-vous l’entreprendre avec, pour seule compagnie, ce Girbert qui ne résiste jamais à dire tout haut ce que certains de nous pensent tout bas ?
    — Un garçon, Jean du Taillis, m’a, ce matin, demandé de venir avec nous.
    — Je le connais.
    — Il sait tenir un arc. Mon oncle, je l’espère, acceptera de s’en défaire…
    — Étrange royaume ! dit le baron, tout en se coupant des tranchoirs [191] après avoir fait un signe de croix sur la miche. Il convient, où qu’on aille, de s’entourer d’hommes d’armes.
    — Il faudrait prêcher la guerre contre tous les malandrins, s’emporta de nouveau Arnaud Clergue. Avoir une grande armée en permanence et qu’elle porte le fer partout : sur les mauvais, les envieux, les païens, les pernicieux.
    — L’Église, mon Père, demanda Bressolles, a-t-elle le devoir de prêcher la guerre ? Ne doit-elle pas s’opposer à toutes les saignées ?
    Il était blafard. Des gouttes mouillaient son front, poissant, à la racine, ses cheveux ébouriffés. À l’impétuosité inattendue d’Arnaud Clergue, il opposait soudain une naïveté douce, factice, plus exaspérante encore, pour le cordelier, que son courage « monstrueux ». Le clerc soupira et laissa choir son couteau :
    — L’Église tolère la guerre, mais elle n’autorise que les guerres justes… Saint Augustin a dit qu’il y a guerre juste quand on se propose de punir une violation de droit… Quand il s’agit de châtier un peuple qui se refuse à réparer une action néfaste ou à restituer un bien injustement acquis.
    — Dès l’instant qu’elle lui profite, la mauvaise action semble toujours bonne à celui qui la commet !
    Arnaud Clergue tendit son hanap à Renaud. Impassible, celui-ci le lui remplit sans doute à demi, car il fit la grimace. Il but, puis affronta le Carcassonnais :
    — Vincent de Beauvais a déclaré qu’il y a trois conditions pour qu’une guerre soit juste et licite. L’autorité du prince qui l’a décidée, puis une cause juste, et enfin une intention droite. Quant aux guerres injustes, le grand évêque d’Hippone les avait appelées grande latrocinium : le brigandage en grand.
    — De tous côtés, la guerre est un grand brigandage !
    Le chapelain eut un geste las :
    — Ah ! Bressolles, pourquoi vous regimbez-vous ? Dans chacun des ministères qui sont nôtres, les Grands prennent des décisions. Nous nous y conformons parfois peu aisément, c’est vrai. Vous ne dérogez point aux volontés de Sicart de Lordat, qui lui-même essaie de se plier à celles des seigneurs qui l’ont appelé… sans contrevenir aux édits royaux. J’essaie de n’enfreindre aucun rescrit des substituts de Dieu, notre Suzerain à tous. Or, quoi que nous fassions, quoi que nous éprouvions, nous sommes, avant même d’être les créatures du Très-Haut, les obligés du pape, du roi et de leurs satellites quelquefois infâmes, voire infernaux… Cependant, dites-vous bien que quelque contrainte qu’elle soit de tolérer la guerre, l’Église a organisé la paix, la Trêve de Dieu et la chevalerie.
    Le maçon eut un sourire à la fois déférent et moqueur :
    — L’Église, mon Père, ne se contente pas de permettre et de tolérer la guerre : elle l’encourage.
    La nervosité d’Arnaud Clergue s’aggrava ; il suffisait d’observer ses mains : elles n’égrenaient plus son chapelet mais le tordaient en tous sens.
    — Allons, c’est vrai, admit Blanquefort, intervenant comme à regret dans cette joute oratoire. L’Église provoque certaines guerres.
    — Quand elle ne peut faire autrement, Hugues… Il y a des centaines d’années, Origène a dit que le métier des armes était incompatible avec la foi chrétienne… Après lui, Lactance a déclaré qu’on ne pouvait faire exception au décret divin : « Tu ne tueras pas »… Je pourrais aussi vous citer Tertullien : « Ainsi, il serait permis de vivre dans ce métier de l’épée quand le Seigneur a dit : Celui qui se servira de l’épée périra par l’épée »…
    —  Messire chapelain, objecta Bressolles, Tertullien…
    Aussitôt, Clergue coupa la parole au maçon :
    — Certes, il serait prudent de mettre en doute la foi chrétienne de cet apologiste. Elle était tout alourdie de l’hérésie de Montanus… Une foi qui dévie ou s’encrasse ne peut être prise en considération… Il est même sage de la détruire… C’est

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