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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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hommes. Une heure plus tard, le Rapportführer Palitzch entasse dans trois cellules 578 prisonniers de guerre soviétiques. La corvée de déportés cloue des planches sur les portes. Palitzch enfile un masque à gaz. Deux médecins déposent à ses pieds une douzaine de boîtes métalliques. Le dernier S.S., avant de quitter le block 11, déverrouille les guichets. Palitzch déverse à l’intérieur des cellules les cristaux bleutés du cyclon B.
    — Le lendemain (19) , le Rapportführer Palitzch protégé par un masque à gaz ouvrit les portes des bunkers et constata que quelques détenus étaient encore vivants. Alors on mit encore une dose de gaz et on referma les portes. Le 5 septembre au soir, on ramassa quelques dizaines de prisonniers de la compagnie disciplinaire et de l’infirmerie, et on les amena dans le block 11 où on leur donna des masques à gaz. Ensuite on leur ordonna de descendre à la cave, d’ouvrir les bunkers et de porter les cadavres des gazés dans la cour du block 11. Là, les prisonniers, sous la surveillance des officiers de la S.S. : Fritzch, Mayer, Palitzch et du médecin Entress triaient les prisonniers de guerre soviétiques gazés et leur enlevaient uniformes, montres, bagues, etc. Deux nuits durant, on transporta les cadavres au crématoire sur des charrettes tirées par les déportés.
    Dès son retour à Auschwitz, Hoess « veut voir ». Fritzch prépare une nouvelle « représentation ».
    — C’est (20) dans les cellules d’arrestation du block 11 qu’on procédait à la mise à mort des prisonniers au moyen des gaz. Protégé par un masque à gaz, j’y ai assisté moi-même. L’entassement dans les cellules était tel que la mort frappait la victime immédiatement après la pénétration des gaz. Un cri très bref presque étouffé, et tout était fini. J’étais peut-être trop impressionné par ce premier spectacle d’hommes gazés pour en prendre conscience d’une façon suffisamment nette. Je me souviens par contre avec beaucoup plus de précision de la façon dont furent gazés peu après neuf cents Russes. Comme l’utilisation du block 11 exigeait des préparatifs trop compliqués, on les dirigea vers le vieux crématoire. Tandis qu’on déchargeait les camions, on perça rapidement plusieurs trous dans les parois de pierre et de béton de la morgue. Les Russes se déshabillèrent dans une antichambre et franchirent très tranquillement le seuil : on leur avait dit qu’ils allaient à l’épouillage. Lorsque tout le convoi se trouva rassemblé, on ferma les portes et on laissa pénétrer le gaz par les trous. Je ne sais combien de temps a pu durer cette exécution. Pendant un bon moment, on entendait encore les voix des victimes. D’abord des voix isolées crièrent : « Les gaz ! » et puis, ce fut un hurlement général. Tous se précipitèrent vers les deux portes mais elles ne cédèrent pas sous la pression. On ouvrit la pièce au bout de quelques heures seulement, et c’est alors que je vis pour la première fois les corps des gazés en tas.
    — Je fus saisi d’un sentiment de malaise et d’horreur. Pourtant, je m’étais toujours imaginé que l’usage des gaz entraînait des souffrances plus grandes que celles causées par l’asphyxie. Or, aucun des cadavres ne révélait la moindre crispation. Le médecin m’expliqua que le cyanure exerce une influence paralysante sur les poumons si rapide et si puissante qu’il ne provoque pas de phénomènes d’asphyxie semblables à ceux que produit le gaz d’éclairage ou la suppression totale de l’oxygène.
    — À cette époque, je ne m’étais pas livré à des réflexions particulières à propos de cette extermination de prisonniers de guerre russes : un ordre était donné et je n’avais qu’à l’exécuter. Mais je dois avouer en toute franchise que le spectacle auquel je venais d’assister avait produit sur moi une impression plutôt rassurante. Quand nous avions appris qu’on procéderait prochainement à l’extermination en masse des Juifs, ni moi ni Eichmann n’étions renseignés sur les méthodes à employer. Nous savions qu’on allait les gazer, mais comment et avec quels gaz ? Maintenant, nous possédions les gaz et nous en avions découvert le mode d’emploi. En pensant aux femmes et aux enfants, j’envisageais toujours avec horreur les fusillades qui allaient se produire. J’étais fatigué des exécutions d’otages et de la fusillade des

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