Les mannequins nus
surtout déportation massive des quatre millions de Juifs dans l’île de Madagascar, Joseph Goebbels est pour le traitement radical. Et il sait être persuasif.
Tous les « commencements » de solution raisonnable sont interrompus par l’invasion de la Pologne et bien vite après « l’affaire » russe, les groupes d’action chargés de passer par les armes cinq millions de Juifs donnent des signes évidents de fatigue… après leur trois cent millième assassinat. Goebbels triomphe :
« Ce sont là des actes désordonnés, à courte vue. »
Dans son journal, Félix Kersten, masseur et « médecin » d’Himmler écrit le 11 novembre 1941 :
— Himmler est anxieux. Il revient de la Chancellerie où il a vu le Führer. Je le soigne. Je tente de savoir ce qui le tourmente. Il avoue, après bien des hésitations, que l’on est en train de méditer l’extermination des Juifs.
Himmler n’en dit pas plus.
16 novembre :
— J’ai tenté ces derniers jours de remettre sur le tapis le sort des Juifs. Contre son habitude, Himmler n’a fait que de m’écouter, mais il n’a pas desserré les dents.
Kersten devra attendre un an la réponse à ses questions.
10 novembre 1942 :
— Mais bon Dieu, Kersten, jamais je n’ai songé àexterminer les Juifs. J’ai toujours eu sur ce chapitre des idées tout à fait différentes. C’est Goebbels qui est à l’origine de tout cela. Voici des années, le Führer m’a donné l’ordre d’éloigner les Juifs d’Allemagne. Ils devaient emmener leur famille et leurs biens. J’ai engagé l’action. J’ai même fait punir certains excès commis par mes gens. Cela a duré jusqu’en 1940. Puis Goebbels à eu raison.
— Kersten : « Pourquoi Goebbels ? »
— Himmler : « Goebbels a toujours été d’avis que la seule solution valable du problème juif était leur extermination. Il pense qu’un Juif vivant est et reste un ennemi de l’Allemagne nationale-socialiste. C’est pourquoi, dit-il, il n’y a pas lieu de faire du sentiment avec ces gens-là. »
Himmler acceptera cependant de réaliser la « pensée » de Goebbels, en organisant avec Heydrich le génocide ; mais il veut une « liquidation propre ». Ce qu’il à vu à Minsk – l’exécution au revolver de 200 Juifs – l’a profondément touché. Sans le bras de son chef d’état-major Wolff, il se serait effondré.
— Les hommes auront remarqué, dit-il, à quel point cette tâche sanglante me rebute. Mais chacun doit faire son devoir, aussi pénible soit-il.
Ce soir-là, à Minsk, Himmler décide d’abandonner les armes traditionnelles des pelotons. Il confie à Nebe, le chef du groupe d’Action qui vient de lui servir cette démonstration sanglante :
— Il nous faudra bien trouver un autre mode d’exécution… peut-être ces chambres à gaz qui ont été utilisés dans les hôpitaux psychiatriques pour « aider à mourir » les aliénés. Et puis ces fossés ! Si les Russes ou des espions les découvraient ! Il faut réduire les corps en cendres.
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* *
1960
INTERROGATOIRE D’ADOLF EICHMANN PAR LE CAPITAINE AVNER LESS (JERUSALEM)
EICHMANN (15) : L’été 1941 était déjà bien avancé quand Heydrich me demanda de venir le voir… « Le Führer a donné l’ordre de supprimer les Juifs ! » Ce sont exactement les mots qu’il prononça en me recevant ; et, pour vérifier l’effet produit, contrairement à son habitude, il s’arrêta un très long moment. Je m’en souviens encore très bien.
D’abord je n’ai pas très bien saisi la portée de cette phrase. Heydrich choisissait toujours très bien ses mots, et je savais que je n’avais rien à dire… mais je n’avais jamais pensé à une telle solution de force.
J’en eus le souffle coupé. Puis il me dit d’aller voir… Globocnik, à Lublin… « Le Reichsführer a déjà donné des ordres en conséquence à Globocnik, voyez où il en est… je crois qu’il se sert des fossés antichars russes pour se débarrasser des Juifs. » … Je me rappelle très bien… ce sont des mots qui ne s’oublient pas… de ma vie je ne les oublierai. C’est tout ce qui a été dit lors de cette entrevue.
C’est la première fois que j’entendis parler de ce Globocnik, ancien Gauleiter de Vienne, chef des S.S. et de la police du district de Lublin, au gouvernement général, subordonné du chef supérieur des S.S. et de la police de Cracovie.
Comme j’en avais reçu
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