Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
sursauter, nous étions consignées dans le block, et j’entrouvris néanmoins un peu. Une femme nue se trouvait dans le froid glacial et elle nous implorait, tremblante de tout son corps, de la laisser entrer et de la cacher car, dans son block, on désignait des victimes pour la chambre à gaz. La « doyenne », qui était responsable des occupantes du block, n’eut pas le courage d’accueillir cette femme. Personne ne refusait son aide dans des cas identiques si le risque semblait pouvoir être pris ; même les antisémites parmi les Polonaises laissaient faire. Mais notre « blockowa » s’était déjà fait remarquer une fois et la compagnie de discipline dont elle était menacée pouvait être sa mort. Elle dit lentement en fermant la porte :
    « — Vraiment cela m’est impossible. »
    Deux heures plus tard je devais revoir la Juive qui avait été éconduite. Elle s’était laissée tomber sur un tas de cadavres nus, une sorte de mur long de vingt-cinq mètres et haut d’un mètre qui se trouvait à côté de notre block. Les jeunes filles affectées à ce kommando n’ayant pas la force de porter les cadavres plus loin.
    La malheureuse femme avait placé un cadavre par-dessus elle et elle était restée ainsi sans bouger, tant que la commission de sélection n’avait pas quitté le quartier. Elle avait échappé ainsi au danger d’être gazée par « incapacité » de vivre.
    *
*   *
    Auschwitz, comme la plupart des camps de concentration, ne disposait, dans sa phase de création, d’aucune installation médicale (94) . Une modification profonde de l’« esprit » de la déportation, voulue par les Allemands, a permis la création d’infirmerie et l’entrée des médecins déportés dans ces reviers.
    De 1933 à 1942, les camps, véritables « séminaires » voués à la rééducation ou à l’extermination des opposants, se passent fort bien d’infirmeries. Ceux qui disposent d’assez de ressources en eux-mêmes pour se plier aux exigences de la discipline et des kommandos de travail, ne sont « autorisés », en aucun cas, à tomber malades ou à se blesser. S’ils enfreignent le règlement, ils sont éliminés par piqûre d’essence. Geste d’humanité ! Le Führer n’a-t-il pas signé un décret instituant l’euthanasie des inutiles, le jour où ses troupes franchissaient les frontières polonaises ? En 1942, la guerre évoluant, les notions de rendement, de productivité réapparaissent dans les rapports de l’inspection générale des Camps ; la « vocation » de sauvetage des détenus par la rééducation dans le travail, est rangée dans le magasin des utopies. Le 30 avril 1942, Oswald Pohl, chef de l’Office Central Économique et Administratif des S.S. écrivait à Himmler :
    « La guerre a manifestement changé la structure des camps de concentration et modifié fondamentalement leur tâche à l’égard de l’utilisation des détenus. La garde des détenus pour les seules raisons de sûreté, de redressement ou de prévention, n’est plus au premier plan. Le centre de gravité s’est maintenant déplacé vers le côté économique. Il faut mobiliser la main-d’œuvre détenue pour les tâches de guerre. Le commandant du camp est seul responsable du travail effectué par les travailleurs. Ce travail doit être, au vrai sens du mot, épuisant pour qu’on puisse atteindre le maximum de rendement… Le temps de travail n’est pas limité, la durée dépend de l’organisation du travail dans le camp et est déterminée par le commandant du camp seul. Tout ce qui pourrait abréger la durée de travail (temps de repas, appels, etc.) doit être réduit au strict minimum. Les déplacements et les pauses de midi, de quelque durée que ce soit, ayant pour seul but les repas, sont interdits. »
    Ces instructions seront suivies à la lettre et bien souvent dépassées par excès de zèle ou simple cruauté. Pour maintenir en état de marche les bataillons d’esclaves, les commandants de camps découvrent qu’ils déposent sur leurs chantiers de travailleurs-médecins. Pourquoi ne pas les utiliser ?
    *
*   *
    Auschwitz est un camp tragiquement exceptionnel. Sa vocation première – l’extermination – se double d’obligations économiques ; l’administration S.S. et les complexes industriels qui utilisent cette main-d’œuvre presque gratuite se refusent à débourser le moindre mark pour équiper infirmeries et hôpitaux. Que les

Weitere Kostenlose Bücher