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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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après son arrestation, était arrivé aux mêmes conclusions que Mengele. Il est vrai que le dossier d’accusation était implaidable. Ella Lingens, son mari, son beau-père – ancien préfet de police de Cologne, révoqué pour attitude anti-national-socialiste dès 1936 – avaient organisé un véritable réseau d’aide aux Juifs. Au commencement, il ne s’agissait que d’héberger ou de cacher des familles recherchées ; par la suite, le centre d’accueil se transforme en filière pour les évasions, enfin lorsque les Lingens pratiquèrent la corruption pour acheter un ou deux fonctionnaires des Affaires juives, ils furent dénoncés :
    — Puisque vous vous intéressez tellement aux Juifs, rien de plus facile ! Vous allez partager leur sort.
    *
*   *
    Et c’est ainsi (93) que je fus incorporée dans un convoi qui quittait, le 16 février 1943, à 4 heures du matin, sans trop de bruit, la gare de Vienne Nord-Ouest et qui devait arriver à Auschwitz dans la nuit du 19 au 20, après s’être grossi en route de détenues venues des prisons de Brunn, Olmutz et Breslau. Pendant le trajet, je devais rencontrer deux sortes de policiers allemands ; un grand gaillard ouvrant violemment la portière du compartiment me demanda :
    « — Et toi, qu’as-tu bien pu faire ? »
    Et comme je répondais que j’avais aidé à faire passer des Juifs à l’étranger, il se mit à hurler :
    « — Des femmes comme toi devraient être pendues haut et court. »
    Il sortit. Le policier qui était dans notre compartiment me remit un petit paquet avec une tartine de beurre. Comme je le regardais avec reconnaissance et lui demandais :
    « — Malgré cela ? »
    Il me répondit brièvement :
    « — Justement, pour cela. »
    Mais il n’avait aucun grade et l’autre était sous-officier. Tout dépendait ici de la hiérarchie.
    Dans ma cellule j’avais dit :
    « — Je dois être envoyée à Auschwitz. »
    La jeune ouvrière qui partageait ma cellule pour avoir commis un vol fit remarquer :
    « — Auschwitz, c’est là où ils tuent les Juifs pendant leur bain, c’est au moins ce que m’a dit mon mari. »
    Je n’avais entendu parler de camps de concentration, pour hommes surtout, que pendant la période 1933-1938 où nous étions encore pleinement informés. Une autre camarade répondit à ma question, concernant la situation, dans les camps de femmes :
    « — J’ai entendu dire qu’il fallait nettoyer le sol et faire les lits à la perfection. On est puni si tout n’est pas très propre. »
    Un brave gardien de la prison m’avait dit :
    « — C’est maintenant votre tour de partir, malheureusement pas à Ravensbrück, mais à Auschwitz. » Un fonctionnaire de la Gestapo avait même essayé de me tranquilliser :
    « — Auschwitz est un camp moins dur que Ravensbrück. »
    Il devait bien savoir que l’on pouvait avoir sa petite chance de s’en sortir avec le désordre qui régnait dans le K.Z. des femmes de Birkenau. Je ne comprenais pas très bien à quoi tout cela pouvait bien rimer. Pourquoi transférait-on les Juifs dans un établissement de bains plutôt que de les tuer sur place ? Pourquoi un camp plus doux était-il pire qu’un camp plus sévère ? Il ne paraissait pas trop dangereux si tout était propre… Dans ma naïveté, j’étais peut-être la seule à penser que je survivrais à Auschwitz. J’étais comme entourée d’une couche de ouate qui ne perdait son opacité que lentement…
    En février 1943, la fameuse voie qui menait jusqu’au four crématoire de Birkenau n’existait pas encore. Notre convoi, environ cinquante hommes et trente-quatre femmes, était attendu en gare d’Auschwitz par une escorte de vingt S.S. avec leurs chiens, par une froide et sombre nuit d’hiver. Seul le reflet sur la neige immaculée de la lune, voilée par un mince rideau de nuages, nous montrait un peu notre chemin et nous évitait de perdre celui ou celle qui nous précédait. La marche était silencieuse après les quelques commandements prévenant de former les rangs par cinq. Nous nous taisions, nos nerfs étaient tendus à craquer, et les S.S. qui nous encadraient étaient eux-mêmes moroses. Il n’y avait ni coups, ni cris. Ils devaient même ralentir la marche aux cris d’un vieux Juif :
    « — Pas si vite, S.V.P. »
    Est-ce que c’était bien aussi terrible qu’on voulait bien le dire ?
    Les S.S. avaient ainsi le temps de s’intéresser

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