Les mannequins nus
a commencé la construction de l’appareil en profitant du soutien du docteur Budiaszek, qui l’aidait à obtenir l’équipement électrique nécessaire. Avec la collaboration de l’ingénieur hollandais Serge Kaplan, chercheur de chez Philipps, le docteur Drohocki a consacré pendant une période assez longue des soirées prolongées et des nuits sans sommeil à la conception et à l’exécution de l’appareil qui était enfin prêt en été 1944. On a commencé alors à traiter les malades mentaux, principalement les schizophrènes, qui se trouvaient à l’hôpital de Monowice. Les interventions étaient exécutées par le docteur Drohocki. Après quelques séances d’électrochocs, le Lagerarzt (médecin du camp) S.S. Fischer s’est intéressé à cette affaire. À sa connaissance et avec son consentement, on a compris dans le traitement par les électrochocs les malades mentaux des autres camps, relevant du camp d’Auschwitz III, comme également les malades du camp central d’Auschwitz et de Birkenau, en particulier des femmes. La portée de ces interventions s’est tellement étendue, que finalement on les appliquait en séries à tout un groupe de malades amenés à Monowice des autres camps et retransportés ensuite en retour.
— L’appui du médecin S.S. dans cette affaire, était bien entendu indispensable, car un si large champ de traitement pouvait seulement être réalisé à sa connaissance. Le docteur Drohocki, sur la demande de Fischer, a même écrit un rapport basé sur des matériaux bien connus de lui par les écrits et qui prenait en considération le traitement dans les camps. Cette conférence, Fischer l’a prononcée lors de l’ouverture de l’hôpital S.S., à Auschwitz, en mentionnant paraît-il le nom du véritable auteur.
— C’était un succès, sans nul doute, du seul fait d’avoir conçu un appareillage au point de vue technique, mais aussi un exploit de créer un climat qui permettait de traiter les détenus, malades mentaux, avec suffisamment d’efficacité pour obtenir une amélioration de leur état de santé. Ces malades étaient auparavant strictement liquidés par les autorités du camp. L’introduction de cette méthode et le fait de lui conférer un certain élément « mystique » permettait de traiter un nombre relativement grand de détenus et de les maintenir en vie, au moins dans l’immédiat, car leur sort ultérieur, comme le sort de tous les détenus, était très incertain.
— Un des résultats secondaires, supplémentaires du traitement des détenus des différents camps, consistait en la possibilité d’entretenir des relations interdites entre les camps par l’intermédiaire des travailleurs sanitaires qui convoyaient les malades transportés. Entre autres cela concernait les contacts avec le camp des femmes, dont, chaque fois, il venait de nouvelles détenues qui avaient quelque affaire à régler au camp de Monowice (97) .
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Olga Lengyel profita de l’un de ces transferts pour rencontrer quelques instants son mari chirurgien déporté à Buna. Tous deux avaient été séparés sur la rampe d’Auschwitz alors que leurs fils et leurs parents prenaient le chemin des chambres à gaz.
— Je réussis (98) à faire passer une lettre à mon mari lui disant que ma décision était prise et qu’il devait s’attendre à me voir arriver à l’hôpital de Buna tous les jours qui suivraient. Cette fois la réponse vint. Mon mari me déconseillait vivement ce voyage, et en soulignait tout le péril. Il ajoutait cependant que si je ne voulais pas y renoncer, je devrais au moins m’entourer de toutes les précautions. Le médecin-chef du block des aliénés, auprès de qui il pouvait avoir une excellente recommandation, me serait à cet égard très utile.
— C’est ainsi qu’après plusieurs tentatives infructueuses au cours desquelles j’avais même essayé une fois de me faire passer pour une folle, je réussis finalement à prendre place dans la fameuse voiture de la mort.
— Nous étions deux infirmières à surveiller sept ou huit fous. Les trois S.S. qui convoyaient notre transport fermèrent la voiture à clef et prirent place à côté du chauffeur.
— Je n’oublierai jamais ce voyage hallucinant. Excités par tous ces changements, les fous se montraient agités, se prenaient de querelle, se battaient, vociféraient. Nous nous efforcions de les calmer, sans y arriver. Déchaînés, tantôt ils nous
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