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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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terme de poudre tout court. Alors, un cercueil complet de poudre explosive !
    — Cette poudre, se risqua-t-il à demander, est-ce que c’est juste un nom ? Ou est-ce qu’elle explose vraiment ?
    Le pharmacien esquissa une rapide grimace.
    — Elle explose vraiment, commissaire.
    — Le soufre et le salpêtre sont-ils en vente libre ? intervint alors Bossi.
    M. Pescemorte secoua la tête.
    — Les produits chimiques à usage militaire ne sont pas en vente libre à Venise.
    — Mais vous, par exemple, comment vous les procurez-vous ?
    — Nous n’utilisons pas de salpêtre. Le soufre, en revanche, nous le faisons venir de Padoue en petites quantités afin de préparer diverses pommades ou des médicaments antibronchitiques.
    — Serait-il difficile, à votre avis, d’obtenir d’assez grandes quantités de soufre ou de salpêtre ?
    Le pharmacien acquiesça.
    — Même pour les quelques malheureux grammes que nous commandons tous les trois ou quatre mois, il nous faut une autorisation.
    — Une autorisation de qui ? voulut savoir Tron.
    — Du commandant de place, répondit M. Pescemorte avec un imperceptible sourire.
     
    Après le départ du pharmacien, Bossi s’assit à sa place, en face du commissaire, et dit : — Donc, c’était de la poudre. Voilà qui explique tout.
    Tron fronça les sourcils.
    — Ça explique quoi ?
    — Le meurtre !
    — Je ne comprends pas, Bossi.
    — Je pense, expliqua son subalterne d’une voix lente, que nous avons affaire à l’exécution d’un traître.
    — Sommes-nous d’accord, l’interrompit le commissaire, sur le fait que cette poudre a un rapport avec la venue de l’empereur ?
    — Tout laisse bel et bien à penser que quelqu’un projette un attentat contre François-Joseph.
    — Et qui a trahi qui, selon vous ?
    — Je suppose que l’homme tué dans le train n’avait pas l’intention de transférer le cercueil au cimetière. Peut-être était-il opposé à l’attentat et s’apprêtait-il à prévenir les autorités dès son arrivée.
    — Ce que le groupe de Venise aurait appris et aurait voulu empêcher en se débarrassant de lui. C’est bien ce que vous voulez dire ?
    — Oui, en l’éliminant de manière professionnelle ! Voilà ce qui m’inquiète le plus, commissaire. Ces gens représentent un réel danger.
    Tron secoua la tête.
    — Venise n’abrite aucun groupe de dissidents sérieux, Bossi ! Nous avons bien quelques rebelles inoffensifs qui distribuent des tracts et agitent des drapeaux tricolores, mais pas de tueurs professionnels .
    — À moins que Turin ne se cache derrière ce complot.
    — Personne à Turin n’a intérêt à ce que le chaos se répande en Vénétie. Si les Piémontais entendaient parler d’un attentat contre la personne de François-Joseph, ils nous feraient signe. À la limite, ils se chargeraient eux-mêmes de retirer les conspirateurs du circuit.
    — Vous avez donc une meilleure explication ?
    — Non, concéda Tron. Mais je m’en moque. Pour moi, il suffit que la poudre ait été introduite à Venise en vue d’un attentat.
    — Parce que, dans ces conditions, l’affaire relève de la police militaire ?
    — Exact. Surtout qu’on nous a signifié que nous n’étions pas fiables. Spaur va s’empresser de leur confier l’affaire.
    Bossi s’adossa à la chaise.
    — Spaur n’a pas une très haute opinion de la police militaire.
    — Moi non plus, dit le commissaire. Mais nous n’avons pas le choix. Nous devons informer la Kommandantur. Sinon, on nous reprochera d’être de mèche avec les conspirateurs.
    — La police militaire n’arrivera jamais à les arrêter.
    Tron déposa la tasse à café avec délicatesse à côté de la soucoupe contenant les restes de poudre, de poudre explosive . Puis il dit : — On peut toujours repousser la venue de l’empereur.
    — Ils n’accepteront jamais, décréta Bossi. Ce serait un aveu d’incompétence. En même temps, vous imaginez les conséquences d’un attentat contre François-Joseph ? Une bombe peut faire des dizaines de victimes.
    Il marqua une pause lourde de sens.
    — Même l’impératrice est en danger.
    — La décision revient à Spaur, maintint le commissaire. Et il leur confiera l’affaire.
    L’inspecteur se tut pendant quelques instants. Quand il se remit à parler, il avait cette expression particulière que Tron connaissait bien désormais.
    — Nous pourrions peut-être…
    Il s’interrompit et adressa à son chef un regard interrogateur.
    —

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