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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Pourquoi jusqu’à dix ?
    — Parce que Sa Majesté comptera en même temps que vous. Dix secondes après que la cloche aura fini de tinter, François-Joseph s’avancera sur le devant de la tribune. De cette manière, tout le monde verra qu’il s’apprêtait à prendre la parole et qu’il conserve son calme. Le premier coup passera peut-être inaperçu, mais le deuxième déclenchera la panique. Les personnes derrière la tribune se mettront à couvert. Le seul à rester debout sera Sa Majesté.
    — C’est alors que je tirerai le troisième coup.
    Le colonel acquiesça.
    — Oui, tandis que l’empereur donnera aussitôt des instructions avec sang-froid. Face au danger, il gardera le contrôle de la situation comme aucun autre.
    — Je suppose qu’il ordonnera de prendre d’assaut la bibliothèque.
    — Exact. Une petite unité placée sous mes ordres à l’entrée de la Marciana montera aussitôt sous les combles. Il nous faudra cinq minutes pour les atteindre et cinq autres pour découvrir le passage secret entre la bibliothèque et le palais royal. Vous disposez donc du temps nécessaire pour remettre votre veste d’uniforme et quitter les lieux. N’oubliez pas de laisser traîner quelques cartouches !
    — Ensuite, que dois-je faire ?
    — Vous sortez et allez prendre le train de Vérone qui part à cinq heures, répondit le colonel avec un sourire satisfait. La seule inconnue est le commissaire Tron. Savez-vous où il en est ? Il ne lui reste plus beaucoup de temps.
    Boldù haussa les épaules.
    — Il n’est pas venu chez Zorzi hier. Ce qui ne veut pas dire qu’il se tourne les pouces ! Je ne crois pas qu’il ait confié l’enquête à l’armée.
    — Non, en effet, confirma Hölzl. On aurait prévenu mon service. La question est de savoir combien de temps nous lui laissons encore avant de lui envoyer une lettre anonyme.
    Boldù réfléchit un instant.
    — Accordons-lui jusqu’à demain matin. Le Jupiter accoste à cinq heures du soir. Si nous faisons parvenir un message au commissariat en début de matinée, il aura presque toute la journée pour mettre la main sur les suspects.
    — Vous pensez qu’il peut y arriver sans notre aide ?
    — Je l’en crois capable.
    — J’ai encore une petite question.
    Le colonel sortit de la poche intérieure de sa redingote un troisième morceau de papier plié en quatre qu’il tendit à son interlocuteur.
    — Vous savez ce que c’est ?
    Le billet, grand comme la paume de la main, comprenait quatorze rangées de lettres d’imprimerie, à première vue dénuées de sens. Hölzl le tenait d’un officier des renseignements qui le lui avait donné la veille au matin.
    Après y avoir jeté un rapide coup d’œil, Boldù conclut : — On dirait un message codé. Sans doute en Rail Fence.
    — Êtes-vous en mesure de le déchiffrer ?
    Boldù sourit.
    — Je pense que oui. De quoi s’agit-il ?
    — De l’emploi du temps de l’empereur jeudi, expliqua le colonel. Il ne sera dévoilé que vingt-quatre heures auparavant.
    Il tourna la tête et fit un signe au patron.
    — Rendez-vous ici mercredi. À la même heure. Pour discuter des derniers détails.
    1 - La plus petite cloche du Campanile. ( N.d.T. )

39
    À l’origine, Tron avait prévu de se faire déposer sur le ponton du casino Molin. Mais la pluie ayant cessé, il était descendu de la gondole dès le campo Santa Sofia, à la fois pour se dégourdir les jambes et pour préparer son entretien avec Zorzi. Quelle stratégie adopter ? Avaient-ils pour de bon affaire à un agent double ? Rien que l’expression lui paraissait ridicule. Au séminaire patriarcal, Zorzi était un gamin fluet, à la mine apeurée, capable de fondre en larmes à la moindre occasion. C’est peut-être à cause de ces souvenirs que Tron avait du mal à l’imaginer sous les traits d’un imperturbable tueur professionnel .
    Le mieux, pensa-t-il en tournant dans la calle della Rachetta, serait de jouer cartes sur table. Découvrir son jeu et espérer que Zorzi prendrait une décision raisonnable. Seulement, que se passerait-il si le patron du Molin n’avait rien à voir avec toute cette histoire ? Tron soupira. Alors, c’est lui qui aurait un problème.
    Ce jour-là, au moins, l’arrière du bâtiment n’était pas envahi par une bande d’étrangers surexcités s’apprêtant à passer l’après-midi dans un casino typiquement vénitien . Seul un chat se faufila devant la porte, une proie dans la gueule, peut-être une

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