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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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C’était un breuvage sulfureux qu’elle crachait, comme une rivière des Enfers. Les hommes étaient dévastés par ce prodige. L’on chantait des prières à Déméter et à Korê. Je remplis la moitié du casque de Doréion et retournai vers mon maître, décidé à ne rien dire du changement.
    — La source est devenue sulfureuse, non ?
    — Cela présage la mort de l’ennemi, maître, pas la nôtre.
    — Tu racontes les mêmes âneries que les prêtres.
    Je voyais qu’il s’était remis.
    — Les Alliés auraient ici besoin de ta cousine, dit-il en s’asseyant péniblement par terre. Elle intercéderait auprès de la déesse en leur faveur.
    Il voulait parler de Diomaque.
    — Là, dit-il, assieds-toi.
    C’était la première fois que mon maître mentionnait Diomaque, voire qu’il se montrait informé de son existence. Je ne l’avais jamais importuné par des détails de ma vie avant d’entrer à son service, mais je savais qu’il en connaissait tout, par Alexandros et par Aretê.
    — Perséphone est une déesse dont j’ai toujours eu pitié, déclara mon maître. Pendant six mois de l’année, elle règne sous terre comme l’épouse d’Hadès et la maîtresse du monde infernal. C’est un règne sans joie. Elle est prisonnière de ce trône, car elle a été ravie par le roi des Enfers en raison de sa beauté. Hadès ne lui rend sa liberté que six mois par an, sur l’ordre de Zeus même. Elle revient donc, apportant avec elle le printemps et la renaissance de la nature. Mais as-tu regardé attentivement ses statues, Xéon ? Elle reste grave, même dans la joie des moissons. Se rappelle-t-elle, comme nous, les termes de la sentence ? C’est qu’elle devra regagner le monde souterrain. Seule parmi les immortels, elle est contrainte d’aller de la vie à la mort et d’évaluer les deux faces de la même monnaie. Il n’est pas surprenant que cette double fontaine lui soit consacrée.
    J’étais assis par terre, près de lui, et il me regarda d’un air méditatif.
    — Il est trop tard, ne crois-tu pas, dit-il, pour que nous prétendions avoir des secrets l’un pour l’autre ?
    J’admis qu’en effet il était trop tard.
    — Et pourtant, il est un secret que tu gardes pour toi.
    Il voulait me faire parler d’Athènes, je le voyais, et de cette soirée où, un mois auparavant et à sa demande, j’avais enfin rencontré ma cousine.
    — Pourquoi ne t’es-tu pas enfui ? demanda Dienekès. Je le voulais, tu le sais.
    — J’ai tenté. Elle ne me l’a pas permis.
    Je savais que mon maître ne me forcerait pas à parler. Il ne poserait pas de questions si cela devait me causer du tourment. Mais l’instinct m’avisait que l’heure de rompre le silence avait sonné. Au pire, mon récit le distrairait des horreurs de la guerre et, au mieux, il l’inclinerait à des rêveries plus aimables.
    — Te parlerai-je donc de cette nuit à Athènes ?
    — Seulement si tu le souhaites.
    Je l’accompagnais dans une ambassade, lui rappelai-je. Lui, Polynice et Aristodème étaient venus à pied de Sparte, sans escorte et suivis de leurs servants. Ils avaient franchi plus de dix mille stades à pied en quatre jours, et ils séjournèrent quatre jours à Athènes, chez le proxène Clinias. Le soir du troisième jour, Xanthippe, un Athénien éminent, donna un banquet en l’honneur des émissaires. J’appréciais ces rencontres où les conversations étaient vives et souvent brillantes. Mais, à ma grande déception, mon maître me convoqua avant le banquet pour me charger d’une course urgente. Il me remit une missive cachetée que je devais remettre en mains propres à une certaine personne dans une certaine résidence du port de Phalère. Un domestique m’attendait pour me guider la nuit par les rues. Je ne savais rien d’autre que le nom du destinataire. Je supposai qu’il s’agissait d’une dépêche navale assez urgente et je m’armai donc pour le trajet.
    Il fallut le temps d’un tour de garde entier pour traverser les labyrinthes qui constituent la cité des Athéniens. Partout soldats et marins répondaient à la mobilisation. Des chariots de fournitures et de ravitaillement destinés à la flotte circulaient sous escorte. Les escadres placées sous le commandement de Thémistocle étaient prêtes à appareiller pour Skiathos et l’Artémision. Mais, dans le même temps, des centaines de familles faisaient leurs ballots et quittaient la ville. Les navires de

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