Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
Vom Netzwerk:
Alexandros avait décidé de suivre l’armée au combat.
    — J’y vais, déclara-t-il. Rien ne pourra me retenir.
    La mère d’Alexandros m’ordonna de l’assommer.
    Je vis briller un objet dans le poing d’Alexandros ; c’était l’arme en forme de faucille, la xyele, que portaient tous les garçons. Les femmes la virent aussi, de même qu’elles perçurent la résolution dans l’attitude du garçon. Pendant un long moment, tout le monde resta immobile. La situation devint de plus en plus absurde, et la détermination de fer du garçon, évidente. Sa mère se redressa.
    — Va donc, lui déclara-t-elle ; elle n’avait pas besoin d’ajouter que je partais avec lui. Et que les dieux vous préservent quand on vous fouettera à votre retour.

3
    Il n’était pas difficile de suivre l’armée. Elle avait creusé une ornière à hauteur de cheville dans la piste de l’Oenous. À Sélassie, le régiment Stéphanos s’était joint à l’expédition. Il faisait nuit quand nous y arrivâmes, Alexandros et moi, mais nous pûmes reconnaître le terrain de rassemblement et le sang à peine séché sur l’autel des sacrifices, où l’on avait déchiffré les présages. L’armée nous devançait d’un jour et demi, il n’était pas question de prendre du repos et nous marchâmes le reste de la nuit.
    À l’aube, nous rencontrâmes des connaissances. Eukrates, un armurier hilote, qui s’était cassé la jambe en tombant et que deux camarades aidaient à rentrer chez lui. Il nous informa qu’à la citadelle frontalière d’Oion, des informations récentes avaient été transmises à Léonidas. Loin de faire les morts comme l’avait espéré Léonidas, les Antirhioniens avaient secrètement envoyé des émissaires au tyran Gélon de Sicile. Celui-ci aussi était conscient, comme Léonidas et les Perses, de l’importance stratégique d’Antirhion ; et il convoitait également le port. Quarante navires siciliens transportant deux mille soldats syracusains et des mercenaires d’infanterie lourde faisaient voile vers Antirhion. C’était donc une belle et bonne bataille qui s’annonçait.
    Les troupes spartiates traversèrent Tégée ; là, les Tégéates, membres de la Ligue péloponnésienne et contraints par traité de suivre les Spartiates où qu’ils allassent, leur offrirent six cents hommes d’infanterie lourde ; au total, plus de quatre mille hommes étaient donc en route. Léonidas ne recherchait pas une bataille franche, une parastaxis, avec les Antirhioniens ; il avait projeté de les impressionner par un déploiement de forces, afin de les convaincre de l’inanité de leur résistance et de les engager à se joindre de plein gré à l’alliance contre les Perses. Il y avait justement, dans le troupeau d’animaux sacrificiels de Dekton, un bœuf enrubanné, emmené dans la perspective d’un sacrifice qui célébrerait l’entrée d’un nouveau membre dans la Ligue. Mais les Antirhioniens, sans doute appâtés par l’or de Gélon et grisés par la rhétorique d’un démagogue, voire par un oracle menteur, avaient choisi de se battre.
    Lors de sa conversation avec les hilotes sur la route, Alexandros s’était informé de la composition des forces syracusaines : quelles unités, quels commandants, quels auxiliaires. Les hilotes n’en savaient rien. Dans toute autre armée, pareille ignorance aurait suscité de féroces sarcasmes ou pis, mais Alexandros n’y prêta pas attention. Les Lacédémoniens ne se soucient guère de savoir qui sont leurs ennemis.
    Ils sont habitués, en effet, à considérer n’importe quel ennemi comme anonyme et sans visage. C’est pour eux de l’amateurisme et de la négligence que de se laisser aller, avant le combat, à ces accès de faux courage martial qu’enflamment les harangues d’un général de la onzième heure ou les battements d’armures et les clameurs. Il en allait déjà de même pour Alexandros ; bien qu’il n’eût que quatorze ans, son attitude reflétait celle des généraux ; pour lui, un Syracusain valait l’autre.
    La guerre, chez les Spartiates, est démythifiée et dépersonnalisée par le langage ; celui-ci abonde en termes paysans, voire obscènes. Le mot que j’ai transcrit par « baiser », comme dans l’exercice des jeunes recrues qui « baisaient » des chênes, n’implique pas tant la pénétration que l’écrasement, pareil à celui d’une meule. Les trois rangées d’un front « baisent » ou

Weitere Kostenlose Bücher