Les murailles de feu
gauche avançait, soutenue par de nombreux cavaliers qui déboulaient sur le terrain sans rencontrer de résistance.
Au cours de cette mêlée, Olympias reçut un violent coup de lance à travers la voûte plantaire. Il se retrouva donc isolé à l’arrière de la bataille, en « terrain de moisson » ouvert, immobilisé par son pied et constituant à cause de son casque d’officier une cible rêvée pour n’importe quel cavalier ennemi.
Trois cavaliers thébains, en effet, s’élancèrent vers lui.
Sans armes ni armure, le Coq courut vers Olympias après avoir ramassé une lance au passage. Non seulement il s’empara du bouclier de son maître pour le protéger des projectiles ennemis, mais également il attaqua seul les cavaliers ; il en blessa deux à coups de lance et les mit en fuite, puis défonça le crâne du troisième sous son casque, l’arracha à sa selle et, dans un accès de fureur, lui arracha la tête à mains nues. Il parvint même à capturer le plus beau des trois chevaux, un magnifique étalon qu’il utilisa ensuite pour tirer la litière sur laquelle Olympias fut évacué.
Quand, après la campagne, l’armée rentra à Lacédémone, les exploits du Coq défrayèrent les conversations. Les pairs débattirent longuement de son avenir. Que devait-on faire de ce garçon ? Tout le monde savait que, si sa mère était messénienne, son père avait été le héros Spartiate Idotychide, frère d’Aretê, mort à la bataille de Mantinée alors que le Coq avait deux ans.
Les Spartiates, l’ai-je dit, avaient créé une classe de jeunes guerriers, les « beaux-frères », les mothax ; des bâtards tels que Dekton et même des fils légitimes de pairs déchus de leur citoyenneté à cause de l’infortune ou de la pauvreté, pouvaient, s’ils en étaient dignes, y être admis. Ce fut l’honneur qu’on offrit au Coq.
Il le refusa.
Il déclara qu’il avait déjà quinze ans et que c’était trop tard ; il préférait demeurer au rang de servant. Ce rejet de leur offre généreuse enragea les pairs au réfectoire d’Olympias et le scandale gagna toute la ville, pour autant que pût le faire le cas d’un bâtard hilote. On allégua que cet entêté ingrat était déjà connu pour ses sentiments déloyaux. Qu’il appartenait à un type d’esclaves assez commun, celui des orgueilleux obstinés. Qu’il se considérait comme messénien. Et qu’il fallait l’éliminer avec sa famille ou bien l’attacher sans aucune ambiguïté à la cause Spartiate.
Le Coq échappa à l’assassinat par les krypties en grande partie grâce à sa jeunesse et à l’intercession d’Olympias, qui s’en expliqua personnellement avec les pairs. L’affaire, un moment oubliée, reprit néanmoins son intérêt quand, lors de campagnes ultérieures, le Coq se montra de nouveau le plus audacieux et le plus courageux des servants, à l’exception de Suicide, de Cyclope, le premier servant du pentathlète olympique Alphée, et d’Acanthe, le servant de Polynice.
Maintenant que les Perses étaient arrivés au seuil de la Grèce, qu’on sélectionnait les Trois Cents pour les Thermopyles et qu’Olympias y figurerait avec le Coq près de lui, allait-on faire confiance à ce jeune homme suspect de trahison ? Avec une lame au poing et le dos du polémarque à un doigt de distance ?
La dernière chose dont Sparte eût besoin dans ces heures d’anxiété était d’un problème domestique avec un hilote, même si ce n’était qu’un problème potentiel. Alors âgé de vingt ans, le Coq était devenu une autorité chez les laboureurs, fermiers et vignerons messéniens. Pour eux, il était un héros, un jeune homme qui aurait pu exploiter son courage au combat comme un sauf-conduit hors de sa servitude. Il aurait maintenant pu porter l’écarlate Spartiate et régenter ses frères de moindre naissance. Mais il avait rejeté cette occasion avec dédain et s’était déclaré messénien ; et ses camarades ne l’avaient jamais oublié. Qui savait combien d’entre eux étaient au fond de leurs cœurs partisans du Coq ? Combien d’artisans absolument indispensables, de personnel de soutien, armuriers, porteurs de litières, servants et chargés des victuailles ? C’est, dit le dicton, un mauvais vent que celui qui ne profite à personne, et cette invasion perse pouvait être pour les hilotes la chance de leur vie. Elle pouvait signifier pour eux la délivrance, la liberté. Resteraient-ils
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