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Les Mystères de Jérusalem

Les Mystères de Jérusalem

Titel: Les Mystères de Jérusalem Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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allongés sur

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    des monceaux d'oranges, d'avocats, de choux, d'épices, de flacons de parfum brisés ou même sur de la viande aussi rouge et sanglante que les plaies des gisants.
    quatre ambulances pénétrèrent sur la place au ralenti. Des soldats leur frayèrent grossièrement un chemin parmi les débris. En se retournant pour les voir arriver, Tom lui fit face.
    Il ne comprit pas d'abord qu'il s'agissait d'elle, bien qu'elle ne f˘t qu'à
    dix pas de lui. Ses cheveux dénoués lui cachaient la moitié du visage et du buste. Elle portait une simple robe de coton kald, déchirée à hauteur de la hanche. Incongru, un gros bouquet de lilas pendait à sa main droite. Même d'aussi loin, Tom vit que ses yeux étaient noyés de larmes.
    Il marcha vers elle, qui le regarda s'approcher avec stupéfaction, la bouche entrouverte, respirant fort. Le bouquet de lilas trembla.
    quand il fut tout près, il sentit son parfum d'ambre, plus fort que j arnais, même ici. Son ventre se noua. D'une voix qu'il alla chercher au fond de la gorge, il demanda
    - Tu es blessée?
    Elle ne le regardait plus, ses yeux ne quittaient pas les ambulances dont on ouvrait les portes avec précipitation. Une vieille femme hurla lorsque les infirmiers la soulevèrent. Tout au fond de la place, au milieu d'un attroupement, il y eut le bruit épouvantable d'une disqueuse de désincarcération. Des étincelles de métal jaillirent de l'ombre et s'éteignirent dans le soleil.
    - J'étais très mal, dit Orit d'une voix lointaine. je m'en voulais tellement. Alors j'ai décidé de venir acheter des fleurs pour avoir quelque chose de beau devant moi...
    Les larmes maintenant atteignaient ses lèvres. Tom retint son geste et détourna les yeux. quinze mètres sur leur gauche, des policiers circulaient précautionneusement autour d'une flaque de sang noir et de trois corps allongés parmi des petits choux et des ananas broyés. Une barrique d'huile d'olive avait éclaté. Son odeur, à la fois suave et amère, se mêlait dans la brise à celle du sang. Soudain, dans leur dos, la place fut envahie par une clameur.
    Des hommes et des femmes, surgis d'on ne savait o˘, s'approchaient en rangs serrés, comme s'ils partaient à l'assaut de la
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    mort. Des hommes à chapeau noir et papillotes, portant des pancartes rédigées à la h‚te, les devancèrent, faisant battre, dans cette course, les pans de leurs longues redingotes. S'approchant des cadavres, ils enfilèrent des gants chirurgicaux et retirèrent des sacs en plastique de leurs poches.
    Marmonnant des prières, le regard figé par la sou&ance et la haine, ils s'accroupirent près des corps déchirés et commencèrent à recueillir des fragments de doigts, d'infimes parcelles de peau sanguinolente, des éclats d'os rougis, parfbis un membre. Es les glissaient soigneusement dans leurs sacs de plastique. Avant même la fin du jour, conformément à la Loi, ongles, dents ou cheveux, membres ou viscères, toutes ces chairs suppliciées seraient ensevelies.
    Tom était à nouveau pétrifié d'horreur. Comme si l'explosion éventrait ces corps seulement maintenant, et au ralenti. Sa main fut emprisonnée dans une autre main.
    - Viens, souffla Orit. Viens, je t'en prie!
    Elle le tira derrière elle, brandissant le bouquet de lilas comme une arme pour se frayer un chemin dans la foule des visages en fureur. Elle ralentit à peine pour laisser passer les ambulances.
    - Viens, répéta-t-elle, se tournant vers lui. S'il te plaît, viens!
    J'habite tout à côté.
    C'était un appartement en longueur, au troisième étage d'un immeuble moderne, face au parc Sacher, à l'extrémité de la rue Bezafel. Ils y parvinrent presque en courant, le souffle aussi violent que s'ils fuyaient le bouillonnement de l'enfer. Orit ne lui l‚cha la main qu'une fois entrée dans P˘nmeuble.
    quand elle monta les marches devant lui, l'aile noire de ses cheveux ramassée sur le côté, Tom entrevit la griffure rouge qui naissait entre ses omoplates. La seule pensée d'y poser ses lèvres était aussi vertigineuse que le massacre auquel il venait d'assister. Con-nne si, dans cette blessure-là, il avait pu boire la paix.
    Il ne fit qu'à peine attention aux meubles, au long canapé couvert d'un tissu blanc et parserné de coussins pourpres et or, aux livres, aux étranges et sombres peintures sur verre ou aux miroirs cerclés de bois accrochés aux murs. Orit chuchota
    - Attends-moi...
    Elle disparut dans un étroit couloir,

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