Les Mystères de Jérusalem
son bouquet à la main.
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Tom avança jusqu'à la porte-fenêtre, qji d-onnait sur une terrasse et, audelà, sur la pelouse rêche du parc. Le vertige 4 nouveau le saisit. Comme s'il était au sommet d'un gratte-ciel d'une hauteur insensée et aux armatures toutes vibrantes d'un vent stellaire. Sa nuque se tendait en spasmes douloureux. Le désir armait chacun de ses muscles. Il devait plisser les paupières pour voir devant lui et résister à cette violence.
Orit revint, pieds nus, un vase transparent dans les bras contenant les branches de lilas. Elle le posa sur une table basse taillée dans un pan de moucharabieh. Il crut l'entendre gémir lorsqu'elle se redressa et lui fit face.
Les larmes avaient emporté le khôl de ses yeux. Ses lèvres s'écartèrent pour laisser passer un mot; seul un souffle les franchit. Elle ploya légèrement, la poitrine en avant, comme si l'air lui manquait.
Tom s'approcha. Il parvenait à peine à distinguer son visage, mais il lui sembla boire son odeur et sa chair à chaque respiration. Ses mains se levèrent. Il fit glisser les bretelles de la robe et du soutien-gorge du même geste, presque las.
Il effleura ses bras, qui furent pris d'un tremblement. Hésitantes, comme si elles n'étaient plus que l'unique part vivante de lui-même, ses paumes glissèrent sous les seins découverts, aux pointes sombres comme du bois d'ébène. Ils pesèrent aussi lourd que des pierres de soie en fusion. Les doigts d'Orit atteignirent son visage, sa bouche.
- Oui, souffla-t-elle, oui.
V,
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....
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Jérusalem est un rêve
D'un minaret voisin, portée par un haut-parleur grésillant, la voix d'un muezzin appelait à la prière.
La nuit n'allait pas tarder à tomber. Après avoir lavé le ciel des derniers*nuages, un vent d'est apportait maintenant une chaleur fébrile. A moins que cette fébrilité ne vînt de l'atmosphère de la ville elle-même après l'attentat du marché de Mahané Yehouda. Les sirènes s'étaient tues, la rumeur habituelle avait repris, bien qu'elle me sembl‚t plus faible que d'habitude, comme retenue ou tendue. Ou l'imaginais-je?
Avec toute la ville, j'avais tremblé au souffle de l'explosion - ce qui, en soi, donnait la mesure de sa puissance meurtrière. Puis l'air n'avait plus été qu'un déchirement de sirènes et de klaxons, comme si un fauve blessé
hululait de douleur et de colère. Comme si ce vacarme, à lui seul, tatouait les lettres de la souffi-ance et de la haine dans chaque pierre, chaque parpaing, chaque porte et chaque épaisseur de mortier de Jérusalem, la Ville trois fois sainte...
Chacun de ces attentats faisait naître en moi des doutes. Pourtant aucun doute ne parvenait à briser mon fol espoir de paix. Il fallait que les hommes de cette région cessent de s'entre-tuer. Des années durant je m'étais battu pour un dialogue au ProcheOrient. Pendant des années j'avais organisé des rencontres entre Arabes etjuifs, mis face à face Israéliens et Palestiniens, leur parlant raison et conscience. Enfin je m'étais ré- -
Joui, comme tant eautres, des premiers accords de paix Or je venais de me 285
rendre compte qu'il ne suffisait pas d'une brise pour dissiper les haines et bannir les massacres. La paix, telle une fleur sur une tombe fraîchement recouverte, a besoin de temps pour prendre racine. Mais est-il une violence capable d'empêcher longtemps encore des hommes vivant sur la même terre de se parler? De s'entraider? David, futur roi d'IsraÎl, combattit les Philistins et tua leur héros, Goliath. Pourtant, alors qu'il était pourchassé par Sa¸l, le roi jaloux, c'est chez les Philistins qu'il se réfugia, et ce furent eux qui l'accueillirent, lui offrant de surcroît le commandément de l'une de leurs places fortes. Devenu roi, David n'hésita pas à constituer sa garde rapprochée avec ses fidèles compagnons philistins...
Non, nul ne peut arrêter la vie. Ni le jour, ni la nuit. Ni ce crépuscule qui nous venait avec sa caresse, sa tendresse, son voeu de miséricorde, comme une mère prend son enfant, le serre dans le parfum ineffable de sa poitrine avant que l'obscurité, à nouveau, ne charrie ses terreurs.
je songeais au mot " miséricorde " parce que j'avais entre les mains le texte original de Rabbi Pétahia de Ratisbonne, qui visita la Ville sainte en 117 7 :
¿ _7émsalem, ily a une porte nommée porte de la Miséricorde. Elle est obstruée par des pierres et de la chaux. Aucun _7uif ne peut s'en approcher et à
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