Les Mystères de Jérusalem
de celle de la Bible. Honnête et confiant, il montra ces rouleaux à quelques spécialistes qui l'encouragèrent à les présenter à Londres sans tarder. Shapira quitta sa boutique et fit le voyage. Les savants anglais, doctement, déclarèrent le manuscrit authentique. Presque aussitôt, une traduction en fut publiée dans le 7imes.
L'affaire fit assez de bruit pour que le Premier ministre, Gladstone, alors au pouvoir, vînt en personne examiner la trouvaille du Bédouin dans le but de la racheter à Shapira. Il fut question d'un million de livres, selon la rumeur.
C'est alors qu'un historien français, spécialiste de la période mais, pour d'obscures raisons, ennemi de longue date de l'antiquaire de Jérusalem, et à qui, par malheur, Shapira n'avait pas voulu montrer les rouleaux, les déclara faux. Dès lors, sans se
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donner la peine de consulter les documents originaux, une volée d'historiens et érudits de tout poil se précipita à la suite du Français et, en meute soudée, hurla au scandale.
Discrédité, ruiné, Shapira finit par se suicider en 1884 dans une chambre d'hôtel de Rotterdam... Une fois de plus, Jérusalem, par la plus contournée des voies, parvenait à masquer sa mémoire, à repousser un peu plus profondément ce qui pourtant la déchire depuis l'origine, parce que cette mémoire est la source même de son origine.
Une vieille discussion me revint à l'esprit: elle datait de quatre mille ans et réunissait Abraham et les Hittites à l'occasion de la mort de Sarah, l'épouse d'Abraham. Les Hittites proposaient leur propre tombeau pour y ensevelir Sarah mais refusaient de vendre la moindre parcelle de terrain à
l'Hébreu.
Abraham et Ephron, le propriétaire des lieux, tentèrent de se convaincre l'un l'autre de la pertinence de leurs points de vue. Devant les représentants des corporations, le patriarche juif s'était écrié : " Si celle qui m'a quitté doit partager un tombeau avec moi, écoutez et intercédez auprès d'Ephron fils de Cohar pour qu'il me cède la grotte de Machpela, à l'extrémité du champ qui lui appartient. qu'il me la cède pour sa pleine valeur au titre de propriétaire funéraire parmi vous! "
Ephron répondit aussitôt: " Non, mon seigneur, écoutez-moi plutôt: le champ,je le lui donne! La caverne qui s'y trouve,je la lui donne! "
Cependant Abraham ne voulait pas d'une telle offre qui le rendait débiteur du Hittite et entravait son souhait de s'installer près du tombeau de Sarah. Il continua d'insister pour payer : " Si seulement tu voulais m'écouter! je te donnerais le prix du champ. Reçois-le donc de moi, et c'est là que j'enterrerai la défunte... " Ephron de s'obstiner à répéter que l'argent d'Abraham ne l'intéressait pas.
La longue palabre, acharnée, se conclut sur un accord. Pour quatre cents pièces d'argent, la tribu d'Abraham pourrait acquérir la grotte et le fameux champ - soit, outre la possession d'une terre, le droit de s'établir à environ vingt-cinq kilomètres d'Hébron.
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Souvent, je me suis demandé comment, de nos jours, une telle transaction serait accueillie dans la région. Avec, je le pense, cette difficulté
supplémentaire : contrairement à ce que pourrait faire croire le récit biblique, Abraham n'était pas des cendu avec sa seule famille depuis la plaine de la Mésopotamie jusque sur la côte orientale de la Méditerranée.
L'accompagnaient à coup s˚r les milliers, sinon même les dizaines de milliers, d'hommes, de femmes et d'enfants qui s'étaient mis en route à sa suite. Sans compter qu'il n'est pas impensable que les Hyksos fussent euxmêmes aux prises avec ce mouvement migratoire.
L'origine des Hyksos, mystérieuse peuplade qui pénétra dans la vallée du Nil au cours du xvni' siècle avant notre ère, échappe encore aux historiens. E est cependant établi que ce peuple régna sur l'…gypte durant un siècle et derriL Des fouilles, effectuées de nos jours dans une nécropole à une trentaine de kilomètres du Caire, ont mis au jour un temple stupéfiant, ressemblant trait pour trait à celui de Jérusalem. La colline de ce temple est encore nommée aujourd'hui Tell el-7ehoudÔa: la Colline des juifs...
Un lien de parenté existerait-il entre la tribu d'Abraham et le peuple Hyksos? On comprendrait alors mieux pourquoi les pharaons de l'époque reçurent si amicalement l'arrière-petit-fils d'Abraham, joseph, lorsque celui-ci fut vendu par ses frères.
Un bruit de porte se fit entendre
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