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Les Mystères de Jérusalem

Les Mystères de Jérusalem

Titel: Les Mystères de Jérusalem Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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m'en révéler plus.
    Il y eut un silence. Un long silence. je n'avais pas envie de parler, je désirais seulement voir la ville s'envelopper de ses 292
    FI'
    lumières, comme si chacune d'elles était le signe vaillant d'une chaleur fraternelle.
    Calimani, qui, de son côté, suivait le cours de ses pensées, ne supporta pas ce silence.
    - Pourtant, quelle ville merveilleuse, n'est-ce pas? s'exclamat-il d'une voix sourde. Merveilleuse et monstrueuse, oui, b‚tie au-dessus du Tehom, de l'abîme o˘, selon les musulmans, échoueraient les ‚mes mortes...
    Sa main gauche s'agita à nouveau, cette fois papillon de nuit effaré par les lumières.
    - Regardez là-bas... Là-bas, au-delà du mont Moriah, même dans la nuit on ressent le poids de la vallée de Josaphat - ou vallée du Cédron, ou encore vallée des Rois, puisqu'elle possède autant de noms que de mémoires, truffée qu'elle est de catacombes, de monuments funéraires, de pierres tombales... C'est là, au jour du jugement dernier, que doit se produire la Résurrection. C'est là que doivent arriver, de tous les coins de la terre, des millions et des millions de morts acheminés par des galeries souterraines... Les morts d'aujourd'hui, de tout à l'heure, notre cher Rab HaÔm, tout comme les boutiquiers et les savants des millénaires révolus...
    Ah! n'est-ce pas l'ironie et le signe suprême de l'ambivalence que cette ville, b‚tie sur le plus fabuleux des cimetières, ne tolère pas la mort, au point qu'il y est interdit de conserver une dépouille mortuaire entre ses murs durant la nuit! Et, bien s˚r, dès qu'un archéologue, un chercheur ou même un simple maçon touchent à une tombe, ils déclenchent aussitôt des cris de douleur et de rage de la part des gardiens de l'…ternité...
    - Ou des voleurs de l'…ternité, rectifiai-je doucement Giuseppe Calimani tressaillit et me regarda en fronçant les sourcils.
    - Vous savez, dis-je avec une vivacité qui me surprit moimême, pour moi, la vraie Jérusalem est de l'autre côté, du côté de l'avenue King George avec ses magasins, de la rue Ben Yehouda avec ses cafés, ou encore du côté de Rehavia avec ses maisons de calcaire rose, et même du côté de Talpiot avec ses villas nichées au milieu des pins...
    - Et que faites-vous de la Vieille Ville?
    293
    - Ce n'est plus une ville mais un reliquat du passé. Regardez les lumières, cela apparaît plus encore la nuit que le jour. que voit-on? Un quadrilatère entouré d'un mur pour que le passé ne puisse s'échapper et qu'en son coeur pétrifié s'affrontent toutes les mémoires... Cela me fait songer à une arène romaine, à la différence que les gladiateurs d'aujourd'hui s'y entre-tuent sous le regard du monde entier.
    - Pourquoi dites-vous que les mémoires s'affrontent? s'offusqua Calimani.
    La mémoire des peuples n'est-elle pas le ciment de l'humanité ?
    - C'est le ciment des peuples, en effet. Mais les peuples ont forgé leur mémoire dans l'affrontement et souvent dans la haine des autres peuples.
    Regardez-nous. Nous, les juifs, nous nous souvenons de la destruction du premier Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 avant cette ère et de l'exil à Babylone qui s'ensuivit. Nous nous souvenons de la destruction du second Temple par Titus en 70 de cette ère. Nous nous souvenons de l'expulsion desjuifs d'Espagne en 1492, des pogroms de Bogdan Chmielnicki en 1666. Nous nous souvenons d'Auschwitz. Essayez donc, mon cher Giuseppe, de partager cette mémoire-là avec d'autres...
    je m'échauffais. La colère née du nouvel attentat, mais plus encore des perspectives que nous avait ouvertes Doron avec son " hypothèse irakienne
    ", alourdissait ma voix. Moi aussi, je me mis à souligner du geste mes propos.
    - C'est comme si les Cambodgiens désiraient que d'autres endossent leur mémoire, grinçai-je, celle qui porte les massacres de Pol Pot, par exemple...
    - Mais nous connaissons ces massacres, ils nous atteignent aussi dans notre humanité, ils entrent dans notre mémoire, objecta Calimani.
    - Ils entrent dans notre connaissance, dans la froideur du recensement historique, mais nullement dans notre compassion, dans la chair de nos pleurs. Soyons sincères : nous ne savons pas pleurer les morts américains ou vietnamiens du Vietnam, même pas ceux des génocides africains récents.
    Ils ne sont pas dans nos larmes, non, ce serait hypocrite de le prétendre.
    …coutez : la mémoire des Français, concernant Jérusalem, c'est

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