Les Mystères de Jérusalem

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    Godefroy de Bouillon. La mémoire desjuifs, c'estJudas, appelé Maccabée!
    Pourtant, tous deux font partie d'une seule et même histoire.
    je me tus. On entendit, bizarre et hasardeux écho de mes mots, les cloches de la cathédrale de France. Calimani resta pour une fois pensif devant mon avalanche verbale. Curieusement, la colère m'avait tiré de ma mélancolie.
    Presque involontairement, je me remis à parler après avoir désigné la Vieille Ville.
    - Cette ville n'est pas une réalité, mais un rêve. Or tout rêve est rêvé
    dans la solitude du sommeil. On peut le raconter après coup, si l'on s'en souvient, et ainsi le partager avec les autres. Mais après le réveil, après qu'il fut rêvé. je me suis toujours demandé pourquoi Jérusalem - après quarante siècles! - suscitait encore tant de haine et tant d'amour, tant d'admiration et de convoitise sans partage. C'est à cause de cette interrogation, à cause de cette énigme, que j'ai entrepris d'écrire mon roman. Jérusalem est un paradoxe, tout à la fois inquiétant et sublime, qui ne cesse de se nourrir de lui-même, comme un animal autophage, gr‚ce aux témoignages, gr‚ce aux aventures et aux évocations de ceux qui visitèrent la ville comme de ceux qui y vécurent.
    je m'attendais à une intervention de Calimani; il se borna à opiner. je continuai.
    - Or rien de ce quefai pu apprendre surjérusalem nejustifie le refus des uns d'y vivre avec les autres et de la partager. Si l'on considère la justice, on constate que les premiers rois de SalemJérusalem s'appelaient déjà " rois de justice ". Si l'on évoque la paix, le nom même de Jérusalem, Yeroushalaim, l'implique. Si, enfin, on mentionne l'amour, on constate la nécessité, l'universalité du partage. Tout se partage: le pain, une maison, un champ et même un pays. Il n'est qu'une chose que l'on ne peut partager: le rke.
    - On rêve ce qui nous manque, du moins selon Freud, remarqua Calimani. Le rêve nous offre ce dont nous restons éloignés et vers quoi nous tendons.
    - Oui, je veux bien le croire. Le rêve dejérusalem. construit la foi enjérusalem. Né en Mésopotamie, structuré dans le désert du 295
    SinaÔ, le judaÔsme rêvait du pays de Cana,*,, de-la àe dejérusalem. L'exil, le si long exil, a renforcé le rêve et l'a nourri... L'islam, né, lui, dans le désert d'Arabie, rêvait aussi &Jérusalem et de verts p‚turages. Or le christianisme tel qu'il nous apparaît dans les …vangiles est né àjérusalera même. Son chemin de croix et ses quatorze stations de la Via Dolorosa en sont le témoignage. Mais voilà... Si l'hypothèse de Doron était confirmée et que nous apprenions que le christianisme est lui aussi né en exil, que lui aussi rêvait d'atteindre par son propre Messie l'espace sacré de Jérusalem...
    - Nous risquons d'en apprendre plus sur ce point dès demain, approuva Calimani d'une voix nette. Les textes analysés par les savants engagés par Doron risquent fort de nous surprendre. Oui ... je commence à comprendre ce que vous voulez dire.
    Peut-être le comprenait-il mieux que moi-même, en vérité, qui ne sentais prendre forme cette pensée qu'en la formulant. C'était un instant magique, bizarre. La pensée semblait se penser elle-même. Moment éprouvant aussi, comme si la violence exacerbée de la journée était enfin parvenue à
    rassasier je ne sais quel Moloch qui, désormais et pour quelques heures enfin, nous accordait le rêve de la paix.
    Comme pour l'affirmer par une féerie visible, une étoile filante traversa le ciel purifié.
    - Le rêve est un aveu, repris-je doucement. Nous rêvons de la paix que nous ne savons pratiquer, du respect et de la fraternité que nous ignorons, nous rêvons de la beauté du futur en macérant dans les ombres du passé... Mais nous ne rêvons pas de partager nos rêves. Pourtant! Nous répétons à satiété
    que les peuples se sont entre-tués pour la terre, pour l'espace, pour imposer leurs dieux - mais ces sortes de guerres finissent toujours par trouver une solution, un compromis... En revanche, la guerre qui déchire aujourd'hui Jérusalem, IsraÎl, tout le Moyen-Orient, c'est la réalité
    quotidienne de deux rêves qui se disputent sans fin la même source, le même manque. Oui, le rêve est bel et bien la seule chose qu'on ne puisse partager ici-bas... La réalité de Jérusalem en vient ainsi à cette absurdité : le rêve de Jérusalem en permanence déchiré par ses