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Les Mystères de Jérusalem

Les Mystères de Jérusalem

Titel: Les Mystères de Jérusalem Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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rêveurs!
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    Calimani se tenait immobile, les mains croisées sur le ventre, la bouche entrouverte. Si longtemps que je crus un instant l'avoir froissé en lui livrant, avec si peu de retenue, les labyrinthes incertains de mes réflexions. ¿ moins qu'il ne f˚t tout simplement f‚ché de n'avoir pu faire preuve de sa propre érudition depuis de trop longues minutes.
    Mais non. Sa main gauche s'écarta soudain et vint se poser sur mon bras en un geste fraternel. j'en fus si surpris que je tressaillis avec un peu de gêne. J'aurai souvent l'occasion, hélas, de me remémorer ce geste d'affection. Calimani, tout autant que moi, était sensible à la magie de cet instant.
    Me pressant le bras avec de brèves impulsions, il me dit de son accent chantant :
    - je n'avais jamais songé à Jérusalem sous cet angle... Peutêtre aurais-je d˚. Les scientifiques ont des connaissances qu'ils ont tendance à empiler autour d'eux comme autant d'écrans. Tel un homme livré au froid qui endosserait des dizaines de couches de vêtements pour se protéger plutôt que de songer à se faire un feu! Le feu est une création et, finalement, une synthèse d'éléments opposés qui se consument soudain dans une complémentarité. Au fond, c'est cela, le travail des romanciers. Votre brandon est l'imagination...
    - Le mensonge et la vérité font assurément l'alliage d'une bonne histoire, approuvai-je avec un petit rire. Encore que 1'imagination ne soit pas tout à fait un mensonge mais seulement l'effort d'une incarnation différente de la réalité.
    - On appelle aussi cela brouiller les pistes! déclara-t-il en riant, ôtant sa main de mon bras. Je vous imagine très bien me désincarnant pour me reconstituer en un personnage à votre guise! Un Calimani de roman, avec mes petits travers et mon chapeau!
    - Surtout votre élégance! Oui, tout à fait.
    Et nous fumes pris d'un fou rire, un vrai fou rire, comme deux collégiens libérés du poids de l'angoisse et parfaitement unis dans l'amitié, riant, heureux de rire parce qu'un instant plus tôt le rire nous semblait à ce point hors d'atteinte que nous en tremblions d'effroi.
    - puisque vous êtes en verve, reprit Calimani, hoquetant et lissant soigneusement ses mèches gominées que le rire avait fait 297
    frémir, faites-moi une confidence! Comment ou pourquoi êtesvous devenu romancier?
    ¿ cause d'un ‚ne et de la mort.
    Oye, oye!
    C'était à Kokand, en Ouzbékistan... je m'en -souviens comme si c'était ce matin. Un ‚ne trottinait devant moi et faisait tanguer son cavalier. je courais derrière eux, pieds nus dans la poussière. Le sol br˚lait, chauffé
    depuis l'aube par un soleil que semblaient multiplier, tels des miroirs, les glaciers du Pamir. Sur les flancs du bourricot ballottaient deux sacs de riz. Le riz, c'était le salut. ¿ l'époque, on ne disposait pas d'antibiotiques. " Trouve du riz, m'avait dit la veille le médecin. Trouve du riz si tu veux sauver tes parents! " Mon père et ma mère agonisaient à
    l'hôpital communal, frappés par la typhdide et la dysenterie. J'ai rattrapé
    l'‚ne... Il m'a suffi d'un coup de lame dans l'un des sacs. qu'est-ce qu'ils étaient beaux, ces petits grains blancs qui se mirent à couler à
    flots!J'en ai rempli ma casquette comme à une fontaine. L'‚nier n'a même pas crié. Il a eu peur. Il n'a pensé qu'à fuir... La chose s'est sue. Du moins, on m'a assimilé aux hooligans qui allaient par bandes. Un jour o˘ je portais un panier de nourriture à mes parents, trois voyous de mon ‚ge et appartenant à une bande m'attaquèrent à leur tour, autant pour me voler que pour me prouver qu'ils étaient les plus forts. Ce fut vite réglé, à trois contre un, malgré ma rage, je ne faisais pas le poids! Mais, comme je m'étais bien défendu, ils me conduisirent à Kalvak, un terrain vague de la ville basse. Là, les bandes se réunissaient pour régler leurs comptes, raconter des blagues, chanter en choeur, fêter leurs bons coups et juger les " traîtres ". En vérité, derrière leurs couteaux, ces garçons étaient des tendres qui rêvaient d'une autre vie, d'une autre société. Dans les histoires qu'ils aimaient, la camaraderie prévalait sur l'intérêt, la justice triomphait de la fourberie, les héros risquaient leur vie pour l'honneur. Ce soir-là, à Kalvak, pour éviter de me faire rosser, je me suis mis à raconter Les Trois Mousquetaires. Au petit matin, ma renommée était

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