Les Mystères de Jérusalem
hommes que femmène dans le désert...
Ses pommettes étaient écarlates, et sa poitrine, à chacune de ses inspirations désordonnées, tirait sur l'échancrure de sa chemise. Sa bouche ricanait. Cependant, au seul coup d'oeil qu'il lui lança, Tom vit que ses yeux n'étaient pas loin des larmes... Il en fut ébranlé mais lança quand même, &oidement
Cessez de dire n'importe quoi!
C'est vous-même qui ne cessez de raconter que vos mafieux sont prêts à
tout, non? Alors, êtes-vous prêt à tout? Ou jouezvous au reporter façon Tintin?
Tom arrêta le 4 X 4 en catastrophe sur le bas-côté. Les camions qu'il venait de dépasser le frôlèrent dans un hurlement de klaxons. Le Toyota tangua dans leur souffle.
- Rangez cette arme et calmez-vous.
- je suis très calme. je vous signale aussi que, par les temps qui courent, c'est plutôt dangereux de s'aventurer dans des villages arabes aussi éloignés des grandes routes. La tension monte à nouveau entre Palestiniens et Israéliens et...
- J'ai déjà entendu ça. je n'ai pas l'intention de tirer sur des Arabes! je ne suis pas une excitée de...
- Ne le dites pas ou je vous gifle! hurla Orit, hors d'elle et pointant son .38 sous le menton de Tom, qui s'appuya contre la portière.
Il y eut un silence très lourd, déchiré par les grondements des moteurs et le sifflement des pneus sur l'asphalte.
- Moi non plus, je ne tue pas les Arabes! cria Orit d'une voix rauque. Ni eux ni personne. je ne suis en guerre avec personne. Même si certains se croient en guerre contre moi...
Elle hésita puis gronda encore :
- Et zut! Vous saviez très bien ce que je voulais dire!
Elle lança le revolver sur le siège arrière et sortit du Toyota.
Tom ferma les yeux et s'obligea à reprendre son souffle. Il S'était rarement senti aussi mal à l'aise de sa vie. Même dans ses disputes avec Suzan. ¿ dire vrai, il ne comprenait plus pourquoi il avait été aussi agressif envers cette fille.
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Orit . s'était éloignée du 4 x 4 pour se fi*er à-cinq m-ètres de la voiture, raide, tournée vers l'immensité de poussière et de pierres. Il s'était demandé si elle pleurait avant de songer au revolver. Il le récupéra et vérifia si la sécurité était enclenchée. Il semblait. Il était vrai qu'il n'avait guère l'habitude des armes. Il glissa le .38 dans le sac de cuir d'Orit. quand il releva le visage, elle s'approchait du 4 X 4. Elle rouvrit la portière, se rassit sur son siège, les joues creusées et son beau regard devenu absent. Elle ne paraissait pas avoir pleuré.
- C'est bon, dit-elle. C'est ma faute, je n'aurais pas d˚ tant insister.
Ramenez-moi àjérusalem. Vous n'aurez perdu qu'une matinée...
Tom avait posé les mains sur le volant, les avait regardées sans rien trouver à répondre. Il avait remis le moteur en marche, enclenché la première et profité d'un temps mort dans la circulation pour lancer le Toyota droit vers l'est, vers Jéricho. Orit lui avait adressé un très bref regard, s'abstenant du moindre commentaire.
Maintenant, ils roulaient depuis plus de dix kilomètres sans desserrer les dents ni l'un ni l'autre.
Devant eux, et jusqu'à perte de vue sur leur droite, s'étalait l'immense dépression de la mer Morte.
Tom jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur, hésita, puis, du ton le plus neutre possible, dit :
- Personne ne nous suit, on dirait...
Silence. Il reprit :
- Avec le gymkhana que nous avons fait, nous les avons peutêtre déboussolés. Si ça se trouve, ils sont devant nous.
Silence toujours. Mais Tom vit qu'Orit respirait plus normalement. Pour éviter de manger la poussière, il maintenait closes les vitres du 4 X 4 et, dans la chaleur croissante, son parfum, inhabituel, un peu poivré et musqué, dominait l'air confiné de la voiture. Rien de désagréable.
Finalement, Orit remarqua
- On dirait que ça vous ennuie qu'ils ne nous suivent pas.
- Je voudrais savoir o˘ j'en suis avec eux. jusqu'à présent, Sokolov m'a toujours précédé. J'aurais aimé prendre le devant et le surprendre à mon tour. En fait, je ne suis pas là pour autre
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chose : surprendre les Russesqu'ils fouillent et pillent une ruine... Ce n'est pas moi le chasseur de trésor, c'est Sokolov.
Il doubla une camionnette surchargée de matelas enveloppés dans du plastique. Sa voix s'allégea, plus amicale, et il ajouta :
- je dois reconnaître que cette fine stratégie devient de plus en plus abstraite. Avant de quitter New York, c'était
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