Les Mystères de Jérusalem

mélanger au ciment d'un mur.
    En 1983, après que le journal eut glané un Pulitzer pour ses reportages sur Beyrouth, Bernstein était resté quatre mois en Iran en se faisant passer pour un Syrien. Deux ans plus tard, Reagan avait, en prive, menacé de le gifler s'il continuait à prétendre que la Maison-Blanche organisait des ventes illégales d'armes aux narcos d'Amérique centrale. Il y avait eu une belle bagarre à l'intérieur du journal pour son soutien, mais Bernstein avait décidé qu'il était temps de devenir sédentaire et rédacteur. Depuis, il compensait son ennui en terrorisant toute une salle de rédaction rien qu'en levant ses petits yeux clairs. S'il affirmait que les ennuis arrivaient, il n'y avait aucun doute possible. Ils arrivaient.
    Il ne faisait plus tout à fait nuit et pas encore jour lorsque Tom descendit du taxi à Times Square. Mais il lui avait fallu plus d'une demi-heure pour venir de Greenpoint. Il n'eut pas le temps de refermer la portière du taxi. Un couple de travestis prit sa suite. Ils déboulaient par grappes de la 42' Rue, gloussant, sautillant sur des talons de hauteur sadique et les faux cils décollés des paupières. Depuis trois semaines, le maire était parti en croisade pour moraliser Manhattan, promettant même de fermer les sex-shops. Le monde de la nuit, en réponse, s'offrait une débauche ininterrompue.
    L'immeuble du iYew Tork 7˚w commençait seulement à se remplir de ses quelques milliers d'employés. Tom traversa la salle de rédaction à moitié
    vide. Le bureau de Bernstein était à une extrémité, cloisonné de verre comme une guérite de surveillance dans un dortoir de pensionnat. Pour l'instant les stores en
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    étaient baissés, signe qu'on allaitjouer le drame à huis clos. Tom entendit des voix en approchant. Ses mains étaient gelées. Il aurait aimé être n'importe o˘ dans le monde plutôt qu'ici. Il n'était même pas certain de posséder encore assez de curiosité pour désirer apprendre sous quelle forme le ciel allait lui tomber sur la tête.
    Assis derrière son bureau, Bernstein caressait ce qui lui restait d'oreille gauche, signe qu'il était passablement énervé. Ses yeux se plissaient comme s'il cherchait une cible. Mais il lui sourit presque affectueusement. Ou du moins il sembla. Tom se dit aussitôt qu'il s'était trompé, que sa situation n'était pas dramatique mais. seulement incertaine. E est des moments o˘ une ride sur l'eau vous donne l'envie de croire que l'heure de la noyade n'est pas venue.
    De l'autre côté du bureau de Bernstein, il y avait deux hommes. L'un et l'autre approchaient la quarantaine : costumes italiens, cravates de soie, poches sous les yeux, sourires goguenards. Nul besoin qu'ils arborent un insigne pour savoir à quoi ils s'occupaient. Chacun d'eux tenait à la main un gobelet de café. Bernstein tendit la main vers eux et fit les présentations de sa voix curieusement haut perchée.
    - Tom, voici le lieutenant Bervetti, du NYPD ', et le sergent gerlent, du FBI. Le sergent Paulaskas, du 60' district, devait aous rejoindre, mais, apparemment, il a trouvé mieux à faire...
    Tom sentit sa colonne vertébrale se bloquer. Bernstein venait J'agiter un fanion à son attention. Le 60' district, c'était le -ommissariat de Brighton Beach Avenue. Et donc...
    Bervetti comprit en même temps que lui et agrandit son souire.
    - On ne va pas vous faire languir plus longtemps, monsieur Ôopkins. Le sergent Paulaskas a ramassé cette nuit un jeune iomme sur le trottoir de Brighton Beach Avenue. Mort. Deux )alles de .45 dans le dos, tirées à moins de dix mètres, très pro)rement. Aaron Adjashhvi...
    Bervetti laissa passer trois secondes, le temps que son collègue ermine son café, et ajouta :
    - «a vous dit quelque chose, ce nom-là?
    1. New York Police Department.
    IF
    Tom sut qu'il devenait
    Si ça lui disait quelque chose, Aaron Adjashlivi? Six mois de complicité, d'amitié, d'affection, de respect devant le courage d'un garçon de vingt-deux ans qui avait choisi l'honnêteté et la loi en prenant tous les risques... Aaron aux yeux presque verts, fou de jazz des années cinquante et de l'histoire des juifs, rêvant de devenir un grand professeur d'hébreu.
    Aaron au sérieux de vieillard, fou de colère, rêvant de venger son père et sa soeur et d'offrir une vie de paix à sa mère. Aaron qui lui faisait totalement confiance et gr‚ce à qui il avait pu écrire une pleine page du New l'ork 7imes, et six de