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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prisonniers avec nos bêtes…
    « Il me donne à présent du messire ! »
    Gêné par cette courtoisie soudaine, Ogier échangea un clin d’œil avec Tinchebraye. « Il sait que si nous nous regimbons maintenant, il y aura des morts parmi nous et que mieux vaut attendre. » Mais attendre quoi ? Le péager tendit la main vers la charrette :
    — Messire, cette carriole doit être désagréable à conduire pour un chevalier de votre espèce… Et ce grand destrier noir paraît tout marri d’avoir été délaissé… Qui sait ? Il peut être jaloux de votre limonier… et aussi de la damoiselle ou dame assise près de vous… Je vous envie si elle est vôtre !
    Plus que le sourire en biais adressé à Blandine, la voix doucereuse aggrava l’inquiétude d’Ogier. Non seulement la menace venait de se poser sur son épouse, mais encore, deux arbalétriers la couchaient en joue. Très simple en son commencement, l’embûche s’envenimait.
    « Aurais-je dû donner quelques écus à ces coquins ? »
    Qu’on décidât de les payer ou non, ces hommes tout aussi vils, sans doute, que Droon de la Croixille, se désennuyaient avec ce qui passait à portée de leurs armes et de leur convoitise. Hardi et avisé, Tinchebraye intervint :
    — Holà, péager !… Combien veux-tu ?
    — Je parle pas aux hurons tels que toi ! J’ai mieux à en faire !
    Le Normand se contint tandis qu’un ricanement des trois arbalétriers soulignait cette repartie. Dans la face ronde, à l’ombre de la coiffe de fer, Ogier entrevit la clarté fugitive d’une bouche aux dents de fauve.
    — Ce que je veux, messire ? Je pourrais maintenant vous dire tout… Non seulement vos bourses, mais aussi votre compagne ou votre épouse.
    La réplique arracha de nouveaux rires aux trois hommes d’armes. Ogier se contint. Il ne pouvait rassurer Blandine. Il considérait le péager sans ciller, sans bouger, répondant à la moquerie par un silence, une immobilité de pierre. L’homme avait de la boue jusqu’aux cuisses. De quel lieu venait-il avant d’être allé se poser sur ce rocher pour les attendre ? Car il les attendait.
    « Pour nous préjudicier, les Teutoniques ont annoncé notre venue… Ont-ils acquitté le péage ? Sans doute ne sommes-nous pas seuls, Tinchebraye et moi, à redouter ce nouveau péril… Ces malandrins peuvent nous occire, moi en premier, et emmener Blandine au châtelet de leur maître… à moins d’en profiter sur place… »
    Le souvenir d’Adelis, violée par Guesclin et ses hurons, puis égorgée avant d’être jetée dans la Vienne, envahit tout entier sa mémoire.
    — Parle !… Que veux-tu ?
    — Je vous dis simplement : la bourse… Toutes les bourses.
    Exigence d’autant plus redoutable qu’elle était exprimée nonchalamment.
    — Soit… Mieux vaut présentement te satisfaire…
    Ogier jeta sa bourse en direction des arbalétriers.
    L’un d’eux se baissa et la ramassa tandis que les deux autres, suspicieux et souriants, semblaient affermir leur arme dans leurs mains. Il se tourna vers Tinchebraye et ses compagnons :
    — Allons !… Offrez à ces larrons vos maigres fortunes !
    Tous s’approchèrent à l’avant du chariot, décrochèrent leur escarcelle de leur ceinture et la lancèrent au pied du rocher. Le péager se courba.
    — Holà ! Robert… Conserve pas tout pour toi, cria l’un des arbalétriers.
    Il riait ; baissé, happant les bourses, et sans se détourner, le péager aboya :
    — Laisse-moi en paix, Grégoire !
    — Oyez-le, les gars, dit l’arbalétrier à ses compères. Nous sommes riches et le voilà qui fait sa mauvaise tête !
    Entre ces hommes apparemment unis dans la malfaisance, perçait la flagrante inimitié des complices par laquelle surviendrait, le temps venu, la discorde du partage. Ogier vit les arbalètes s’abaisser : les trois gars s’abstiendraient de décocher un carreau tant que le Robert conserverait, accrochées à sa ceinture d’armes, les bourses molles et fangeuses.
    — Pouvons-nous avancer, désormais ?
    Le péager recula dans la boue, et comme il heurtait du dos le tronc d’un chêne, il eut un tressaillement et un geste de violence qu’il maîtrisa lorsqu’il se sentit observé par Blandine.
    — Hé ! hé !… Je vous effraie, belle demoiselle ?
    Ogier sentit son cœur se gonfler de haine tandis qu’un sourire de gourmandise décollait les lèvres du guette-chemin. Immobile sur le banc, mains

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