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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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jointes, Blandine semblait prier. Un secours inattendu lui vint de l’adversaire :
    — C’en est assez, Robert, disait Grégoire, conquis, semblait-il, par la beauté de la jeune femme. Passez, messire, avec vos compagnons… Partez !… Toi, Robert, précède-nous sur le bon chemin… Laissons-les aller et revenons au châtelet… Messire Droon sera content !
    Disant cela, il dirigeait son arme sur le péager, soudain moins fier.
    — Apaise-toi, Grégoire… Suivez-nous, vous autres, par ce chemin… Vous ne pouvez passer ailleurs que par ici… Nous garderons vos bourses, et ce sera tout…
    Disait-il vrai ? Lançant un regard à ses voisins, Ogier vit que Joubert avait en partie dégainé son épée, Lehubie et Bazire leur perce-mailles. Il se morigéna : « Après notre rencontre avec les Teutoniques, j’aurais dû veiller aux armes !… Nos arcs et arbalètes sont dans le chariot ! » Et eux, ces maufaiteurs des Allemagnes, où étaient-ils maintenant ? Avaient-ils quitté ce pays d’eau putride ? Tandis que le Robert, tête basse, ruminait sa déconvenue, le Grégoire n’avait d’yeux que pour Blandine.
    — N’ayez crainte, douce dame, dit-il. Nous ne vous ferons nulle méchanceté… et notre péager, qui a sur nous droit de commandement, a bien trop de délectation ailleurs !
    Ogier rendit les rênes au limonier ; la charrette avança sur le chemin bourbeux argenté çà et là de dépôts d’eau dormante. Bazire, Tinchebraye et Joubert étaient revenus devant. Les arbalétriers et parfois le Robert les observaient méchamment, mais derrière, pour Delaunay, Gardic et Lehubie, la surveillance apparaissait nulle. « Si ces malfaisants n’ont pas d’autres compères aux aguets, nous pourrons peut-être reprendre nos bourses ! » Attendre… Toujours.
    — Tous ces hommes qui nous devançaient, dit Joubert, sont-ils passés par où nous passons ?… Leur avez-vous accordé le passage ?
    Du piquant de sa guisarme, le péager repoussa son chapel de fer tandis que de sa main libre, il tapotait une escarcelle.
    — Oui, je leur ai demandé le péage tout en sachant qu’ils étaient gens de guerre, si c’est ce que vous voulez savoir. Et ils étaient trop…
    — Ils ont refusé ?
    — Hélas ! oui, dit Grégoire avec un rire déplaisant. Mais nous, quand on nous offense, on connaît un bon châtiment !
    Il se réjouissait trop : sous ses façons doucereuses, il était peut-être pire que les autres.
    — C’est-à-dire ? demanda Ogier.
    Il menait soigneusement le limonier, évitant autant que possible d’entraîner les roues de la charrette dans des ornières profondes où le cheval, pour continuer d’avancer, eût mésusé de ses forces. Malgré la fraîcheur de l’air, il suait et n’osait se tourner vers son épouse de crainte d’attirer aussitôt sur elle l’intérêt d’un des malandrins.
    — C’est-à-dire, dit Grégoire, que ça n’a jamais porté bonne chance à personne que de nous traiter de haut !… Vous voyez ce chemin-là, messire ?
    L’arbalétrier désignait, sous une feuillée rousse, clairsemée, une voie assez large, apparemment meilleure que celle où présentement, tous s’engluaient.
    — Ils voulaient gagner Alençon et on leur a dit que c’était par là !
    — Et ça n’y mène pas ?
    Ogier sentit son cœur se durcir tandis qu’un froid picotant le gagnait. Il lui sembla que le soleil n’éclairait plus ; c’était faux : il passait sous de grands arbres décharnés aux feuilles noires, pareilles à des fers de lance. Le sol clapotait sous les sabots des chevaux et l’odeur de mouillé devenait abominable. Jetant un regard sur Blandine, il la trouva plus pâle, découragée. N’osant la rassurer de la voix, il la toucha du coude tandis que le Grégoire révélait :
    — Cette voie ne mène nulle part… ou plutôt si…
    Dans les ténèbres lourdes, grasses, lacérées parfois par un éclair de ciel ou d’eau, le rire du Robert fut si pareil à celui du défunt Blainville qu’Ogier crut avoir affaire à lui. De dos, d’ailleurs, et clopinant dans les flaques, le malandrin lui ressemblait. Comme il sentait Blandine tressaillir, il chuchota : «  N’aie crainte », sachant bien que désormais, toute parole rassurante serait d’une présomption folle. Cette certitude enflamma son dépit envers sa double malechance. Ses vêtements lui collèrent aux chairs. La demi-nuit, la puanteur tenace et surtout la

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