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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’en servira de préférence à son épée… Comme nous avons acquitté le péage, il ne pouvait nous enjoindre de nous désarmer… Il doit le regretter… Je ne peux tirer Confiance de son feurre [142]  : ça prendrait trop de temps et ce gars-là est habile… Un cri, et Blandine serait morte… Ah ! voilà la jument… »
    Couchée sur le flanc, elle avait les naseaux serrés, l’œil terne, demi-clos : un frémissement agitait ses paupières assaillies par des mouches tout aussi avides que les gros vers noirs de l’étang. On les lui avait retirés, mais un seul, accroché au jarret dextre, se gorgeait et se gonflait. Dominant sa répugnance, Ogier arracha la sangsue, l’écrasa sous son talon et regarda la robe blanche tachée de sang, le poitrail boueux agité par un souffle tantôt violent, tantôt imperceptible, puis l’œil, à nouveau, où vivait une douleur sans pareille. Quel qu’il fut, il détestait voir souffrir un animal. Quand la nécessité de manger l’y poussait, il chassait – vite et bien. Occire un homme méritant-la mort après l’avoir affronté à armes égales ou presque ? Oui. Et même se délecter en le voyant trépasser. Mais une bête sans défense, non !
    — Elle n’en peut mais… ricana le Robert.
    Sourcils froncés sous son chapel de fer, lèvres avancées, mi-inquiet, mi-moqueur, il gratta son menton couenneux tout en tapotant le sol de la hampe de son arme.
    — On dirait que ça vous afflige… Vous avez jamais guerroyé ?
    Ogier caressa le chanfrein de l’animal dont les paupières cessèrent de ciller. Ç’avait dû être une bonne bête, toute blanche, agile et forte à la fois. Il imagina l’atrocité des jours passés dans ces cloaques aux eaux pâles ; l’animal traîné plus que poussé dans la fange, son corps tombant, livré aux glus grouillantes…
    — … restera plus qu’à l’écorcher, et se sera ces deux connarts, Ybert et Bernier, qui s’en chargeront… C’était leur jument, pas vrai ?… Après, pour les remettre, on leur fera prendre un bain…
    — C’est toi, coquin, qui le prendra !
    Miracle de promptitude et de lucidité : Ogier, de la pointe de son poignard, piquait le cou du malandrin et l’un des arbalétriers tombait, une flèche vibrant dans son dos ; un second – le petit gros – lâchait son trait sur Lehubie, mais celui-ci avait déjà rencoché : tandis que le carreau se fichait dans un tronc, la sagette atteignait l’homme en plein cœur. Trop ébaubis par la soudaineté de cette attaque, le Grégoire et l’archer qui veillait sur les prisonniers renonçaient à se défendre :
    — Bien, dit Ogier. J’égorge votre compagnon si vous remuez encore… Tinchebraye, prends ces cordes, là-bas… près des chevaux des Allemands… Attache les chiens… Ybert et Bernier, allez voir votre jument et dites-moi si elle peut s’en remettre… Toi, l’autre : Yves… Prends aussi des cordes… Allons, mes gars, aidez ces mal heureux à lier leurs tourmenteurs… Les poignets dans le dos !
    — Çà ! grommela le péager, qui es-tu ?… Sais-tu que le baron de la Croixille…
    Le poignard piqua la gorge et du sang goutta, presque noir.
    — Ton baron, je l’incague [143]  !
    — Vous n’irez pas loin !
    Le regard mat, presque blanc, vivait à l’ombre du chapel de fer, et c’était un regard de folie plus que de haine.
    — Joubert !… Hâte-toi de lui lier les poignets.
    — Qu’allez-vous faire ?
    Le pennoncier ricana :
    — Reprendre nos écus, mon bon… Quant au reste, nous laissons à messire Ogier le soin d’en décider.
    Il riait tout en liant les poignets du péager. Il serrait fort, croisait le chanvre : en aucun cas la corde ne se délierait.
    Ybert et Bernier revinrent, clopinant et se soutenant l’un l’autre tant leur faiblesse était grande. Sous leur friche crasseuse, Ogier leur trouva des visages avenants.
    — Peut-on sauver votre jument ?
    — Faudrait des soins et du bon picotin à la Blanchette. Mais vu l’état où elle se trouve, elle est incapable de marcher plus de vingt ou trente toises…
    Ogier poussa rudement le péager vers l’étang, et tourné vers les deux frères :
    — Notre chariot est vide. Lehubie, Bazire, Gardic et Delaunay, ôtez-en le prélart, faites-en une litière et aidez nos amis à monter cet animal dedans…
    — Vélocement ! supplia Blandine.
    Elle craignait la venue d’autres soudoyers ; Ogier la rassura d’un geste et

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