Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
épaisse, dit Joubert, gaiement. Et ces maudits étangs semblent avoir disparu.
    C’était vrai. Entre les hachures des troncs, des clartés vert clair se faufilaient. Au-delà des frondaisons, le ciel apparaissait, pommelé de nuages blancs. Ogier se tourna vers son épouse : elle souriait ; elle avait, semblait-il, tout oublié : les Teutoniques, les malandrins et Tancrède.
    — Dame, dit Bernier, vous coucherez ce soir en notre demeure… Quant à vous, messire, ainsi que vos hommes, vous ne regretterez pas le bienfait de ce jour d’hui !
    Ogier s’inclina et garda le silence.
     
    On avança sur des voies défoncées, rudoyant les sabots et les jantes. Yves prit congé sans façon lorsque se présenta le chemin de Princé. Il disparut dans des fourrés où sa main remua un moment. Blandine alors s’endormit sur l’épaule d’Ogier recru lui aussi de fatigue mais attentif à tout ce qui, de nouveau, pouvait leur advenir de mauvais. « Nous devrions cheminer à grand plaisir… Tous autant que nous sommes, nous avons eu notre content d’émois et de déceptions ! » Il était affamé de sérénité ; sans doute aussi de tendresse. Il n’osait trop contempler Blandine de crainte que son regard ne l’éveillât. Quel que fut son contentement de revenir à Gratot, il ne pouvait se retenir de penser qu’il s’y serait rendu d’un tout autre cœur si la charrette n’avait pas changé de contenu. Son silence devait surprendre ses compagnons, mais il ne voyait aucune nécessité à le rompre. Eux-mêmes parlaient peu. Parfois Bernier et Ybert se retournaient, jetaient un regard sur leur jument avant que de regarder plus loin, vers ces maudits étangs et ces arbres noirs sur lesquels roulaient de gros nuages pâles.
    — Mon cheval est las, dit Delaunay. Que fais-je, messire ?
    — Laisse-le suivre, et monte sur Marchegai.
    — Croyez-vous qu’il m’acceptera ?
    — Tu le verras bien.
    Le destrier toléra fort mal un inconnu sur son dos, mais haussant la voix, Ogier lui enjoignit de se résigner à son sort :
    — Allons, tout beau, accepte ce manant jusqu’à Fougères. Lui et moi t’en serons reconnaissants.
    On rit du bout des lèvres. On était inquiets sans raison. On atteignit la vallée de la Cantache et Bernier désigna deux gros rochers, de part et d’autre de la rivière :
    — Le pas de Roland, messires. Le preux chevalier franchit ce cours d’eau d’un bond de son destrier qu’il appelait Veillantif.
    — Faut croire, dit Joubert, que Veillantif avait des ailes !
    — J’ai connu un Veillantif… Il est mort en août dernier comme un preux.
    Ogier s’aperçut qu’il avait parlé haut, réveillant sans doute ainsi Blandine. Elle l’observait avec une attention si aiguë qu’il en fut gêné. « Huit jours et neuf nuits, en comptant celle qui vient, que nous partagerons ensemble ! » S’il connaissait charnellement la jouvencelle en ses ardeurs et abandons, s’il avait pu mesurer son courage lors de leurs récentes mésaventures, il ignorait à peu près tout des sentiments assemblés sous ce front si parfaitement lisse, envers les choses de la vie. Le corps se livrait aisément, l’esprit se protégeait ou plutôt ne s’intéressait qu’aux faits et gestes d’un seul être : lui, Ogier d’Argouges. Elle nourrissait à son endroit une insatiable envie de connaissance et l’admiration qu’elle lui vouait s’en trouvait, parfois, comme alourdie ou attristée. Toutes ses actions, toutes ses pensées avant qu’il l’eût connue semblaient compter infiniment pour elle, bien qu’elle sût mettre entre ses questions des intervalles suffisamment spacieux pour ne pas l’incommoder.
    — Tu t’étais endormie…
    Ce mélange de passion, de fatigue et d’inquiétude exprimé en un seul regard, Joubert et Tinchebraye avaient dû le surprendre. Que pensaient-ils de Blandine ? Que pensaient-ils des nuits qu’ils traversaient ensemble ? Lâchaient-ils la bride à leur imagination ? L’enviaient-ils ? Le trouvaient-ils bien ou mal apparié à cette jeunette que peut-être ils jugeaient un tantinet maniérée ?… Était-elle hautaine envers eux ? Certes non, puisqu’elle leur devait d’être en vie…
    « Voilà que j’entreprends son procès !… Je suis fou ! Ces deux embûches m’ont troublé !… Je l’aime, je l’admire… J’ai soif de ses étreintes… Je la… »
    — Qui était Veillantif ?
    — Vois, m’amie !… Une

Weitere Kostenlose Bücher