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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dont il attendait… quoi au juste ? Elle l’aimait. Elle l’aimait infiniment, sinon elle n’aurait pas été si… si quoi ? Allons, il devait en convenir, il fallait qu’il se lançât la vérité en face : elle avait de l’amour, certes, mais aussi de la jalousie. Était-ce juste ? Non. Il n’était pas certain de pouvoir l’en guérir.
    L’eau cessa de tinter. Un souffle, une lueur de moins, le plafond s’assombrit. En courant et protégeant ses seins, Blandine traversa la chambre, et il fit noir.
    Elle entra dans le lit, fraîche et frissonnante, et parut hésiter à se serrer contre cet époux que d’autres femmes avaient regardé, admiré peut-être. Il ressentit une morsure au cœur ; un sentiment d’erreur gela son sang, ses entrailles. Bien vite, et comme prise d’un remords, Blandine l’étreignit avec une vigueur inconnue.
    — Tu m’aimes ?
    — Plus que tu parais le croire.
    Il eût voulu lui dire de quelle tendresse il la chérissait, de quels rêves il avait nourri sa passion d’elle et sa solitude puis, moins aisément sans doute, tout ce qu’il espérait de leur union. Elle sentit sa poussée, se dégagea doucement et avec une fermeté qui le mécontenta moins qu’elle ne l’humilia :
    — Laisse-moi… Je suis recrue… Et toi aussi, sans doute… Tu as vu : ils nous ont offert des fruits en dernier. Ce sont des gens étranges [160]  !
    Elle dut s’endormir. Il regarda la fenêtre entre-close, et les clous dont le ciel se parait, bien que la nuit commençât son déclin. « Je l’aime… C’est vrai qu’elle doit être lasse… Nous le sommes tous ! » Mais eût-il refréné son désir, qu’elle lui eût sans doute reproché sa nonchalance – surtout après ce qu’elle venait de lui dire.
    Dès qu’il l’avait vue aux prises avec Lerga, dans la rue montant au château d’Harcourt, la rage d’aimer s’était levée en lui en même temps que le désir de protection, désir d’autant plus vif qu’il venait de perdre Adelis et qu’un repentir sans nuances emmaladissait son cœur et son âme. Certes, il n’était nullement responsable du trépas de l’ancienne ribaude. Elle avait commis une imprudence, peut-être plusieurs…
    « Nullement ? » se demanda-t-il avec une espèce de fureur due sans doute au chagrin qu’il éprouvait tout à coup, comme si la malheureuse avait péri le jour même. À quoi bon, cependant, revenir sur cette pénible mésaventure ! Toutefois, il pouvait bien se dire maintenant que si Adelis avait vécu, elle l’eût peut-être mis en garde… Contre quoi ou contre qui ? Allons bon, il revenait à sa mélancolie. Adelis était une femme solide, hardie – et pour cause. C’était la fragilité, la beauté, et surtout la frayeur de Blandine qui l’avaient poussé à défier Lerga. Avec joie d’ailleurs : depuis des mois, il souhaitait d’être opposé à cet immonde…
    Les yeux grands ouverts, il écouta le souffle lent de son épouse désormais désarmée de ses mots et de sa suspicion. Il l’envia d’avoir pu si aisément s’enfoncer dans un sommeil sans vagues, loin, bien loin de toutes les puissances ennemies, alliées aux ténèbres, et qu’il sentait noqueter [161] à l’entour de Fougères. Vers quelle contrée bougeaient maintenant les Goddons ? Y avait-il des routiers sur les voies qu’il choisirait, demain, pour atteindre Gratot ? Malgré la tiédeur du lit et de Blandine, il conservait sur sa chair un peu de la froidure des forêts immenses et glauques qu’ils avaient traversées ; il ne pouvait oublier les sicaires du baron de la Croixille et surtout l’apparition des Teutoniques. Bien qu’il se défendît, maintenant, d’avoir failli à la promesse faite à Sirvin – il ne pouvait l’appeler Benoît de La Ferrière –, la perte de la Croix l’avait marqué au cœur, et la brûlure persistait, moins vive mais douloureuse. Jamais il ne pourrait remédier à la honte d’avoir perdu le Saint-Bois.
    Il avait commis une imprudence impardonnable en s’engageant, sans grande compagnie, dans des profondeurs d’ombres telles que celles qu’ils avaient traversées. Jamais il ne guérirait de sa déception, même s’il se répétait comme maintenant que Dieu avait voulu qu’il en fût ainsi, non seulement pour protéger certains peuples de la férocité d’un Ordre honni du Temple, mais pour que rien ne subsistât sur terre du passage de Son Fils.
    « Avec ou sans la Croix, ces

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