Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
guerriers feront leur guerre !… J’irai à Compostelle pour expier… Expier quoi  ? J’ai failli à ma promesse, nullement à ma religion ! »
    Il entrevit la figure blême de Blandine dans le somptueux désordre de ses cheveux. Elle avait remonté les draps et couvertures jusqu’à son cou, mais son sommeil s’était troublé, une épaule apparaissait. Il admira ce doux renflement que la lune et le feu mourant, tout proche, enluminaient.
    « Elle voudra me compagner… Comment cheminer aisément avec elle ?… Elle n’a commis aucun péché. À quoi bon lui infliger une aussi lourde pénitence ! »
    Tout autour, c’était la paix ; une sérénité aussi énorme que le château voisin ; et la grande maison dormait ou feignait de dormir car de petits rires vrillaient parfois le silence.
    « Bon sang ! malgré ce qu’ils ont enduré, les Birot ont-ils encore assez de vigueur pour tâtonner et combler leurs meschines ?… À moins que des délaissées n’aient profité de mes hommes ! »
    Il soupira, étouffé soudain par cette épaisseur de nuit, lisse, opulente comme les corps de ces servantes qui peut-être lui avaient prêté plus d’attention qu’il ne le supposait.
    Fermant les yeux, il écouta les bruissements de la rivière dont le flot bouillonnait à la porte de la forteresse. Il se souvint qu’elle s’appelait le Nançon. Que dirait son épouse en voyant les douves envasées de Gratot et en respirant leur senteur ?
    Et voilà ! De quelque façon qu’il conduisît ses pensées, il revenait à ses craintes.
    — Ah ! Blandine, Blandine, soupira-t-il.
    Elle se tourna sur le flanc. Il sentit un petit sein dur toucher son épaule, une cuisse glisser sur la sienne et le ventre moussu chatouiller sa chair et s’y appuyer avec insistance pendant qu’un bras le ceinturait sans douceur. « Je l’aime. » En vérité, c’était tout simple. Elle l’étreignait comme si la peur et l’horreur qu’elle avait successivement éprouvées la poursuivaient jusque dans ce lit peut-être trop doux, puisqu’il n’y pouvait dormir.
    Dire qu’il avait parfois tremblé en plein jour rien qu’en imaginant ce bonheur trop grand pour lui : Blandine ! Elle était là, leurs corps et leurs tiédeurs se confondaient. Elle était un peu tendue comme un arc bandé pour un tir de près ; il sentait naître en lui le désir d’être flèche. Il pouvait doucement l’éveiller pour une fête brève. Mais si elle refusait de s’y prêter ? Il pouvait exiger qu’elle y consentît, sachant bien qu’après avoir vitupéré son désir, elle vibrerait tout autant que lui par la suite. Il connaissait le sens de ses soupirs, le tremblement ou la mollesse de ses gestes dans l’offrande ou la résignation, les «  Encore  » qui pouvaient exprimer l’avidité ou la lassitude, la succulence de ses lèvres, la suavité moelleuse de ce fruit de chair et d’étoupe où il étanchait sa soif d’elle, les élans et durcissements qui les scellaient l’un à l’autre dans un orage de bonheur qui les restituait pantelants, main dans la main, aux ténèbres.
    « Je suis heureux. »
    Était-ce vrai ? Devant lui, par-delà les contrevents mal clos, la nuit et ses cristaux dorés. Ils avaient épuisé la première à se prendre et se reprendre. Au point qu’au matin, ils n’avaient guère osé se regarder, lui, craignant d’avoir eu trop d’ardeur et de hardiesse ; elle se repentant sans doute d’avoir montré trop de complaisance, puis trop de volonté… Ils fuyaient l’un et l’autre leurs souvenirs ; ils les cuisaient. Nus… Nus… Maintenant, ils ne sentaient plus le poids de leur nudité… L’appétit d’amour de Blandine, si aigu, ne paraissait pas devoir s’émousser. Se pouvait-il qu’un jour après avoir warrouillé [162] à sa guise, sans fatigue aucune, elle refusât son désir d’elle en lui disant « Laisse-moi ! » et qu’il en fût ainsi au cours des nuits suivantes ?
    Elle soupira ; il reçut son souffle sur sa joue, frais comme à l’accoutumée. Corps tendre plein de volupté que Rochechouart avait convoité ; que le fils Berland eût aimé lui aussi incestueusement connaître ! De quel cœur – celui de Blandine ou le sien ? – sentait-il les battements ? Tiens, elle se serrait plus fort. Elle avait toujours les yeux clos. Dormait-elle ?… Dormir comme elle ! À Gratot, il lui ferait aménager une chambre où elle se sentirait chez elle. Chez eux.

Weitere Kostenlose Bücher