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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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L’idiot ! Sa surprise – pénible – lui imposa un changement de ton :
    — Cesse de m’en parler, veux-tu ?
    Blandine lui jeta un regard dur et d’une opacité qui ne le troubla pas. Il voulut cependant ajouter quelque chose de doux, de réconfortant à son injonction, mais toute bienveillance excédait ses forces. Il se dit que les haquenées telles que Roxelane et Hautemise étaient douces, mais qu’avant de le devenir, elles avaient été subjuguées avec plus de sévérité que les mâles. Fallait-il qu’il procédât de même avec Blandine ?
    « C’est son état… Cela va durer quatre ou cinq jours ! »
    Faudrait-il que chaque mois il eût à subir ces aiguillons absurdes ? Qu’il se contraignît à faire bon visage en subissant un assaut d’allusions et sornettes ?
    « Tu n’aurais pas dû te regimber. Ainsi, elle va te croire coupable… »
    Coupable  ! Un bien grand mot. Et puis, quoi, tout ce qui avait précédé leur mariage, c’était son affaire à lui, pas à elle !
    Aude revenait, un petit sac sous le bras :
    — Venez, Blandine, je vais vous montrer votre chambre…
    Elles disparurent, bras dessus bras dessous. Thierry, qui leur avait laissé le passage, reprit sa marche vers le perron :
    — Je vais voir nos gars, Ogier. Nous avons moult chevaux maintenant et il convient de les bien répartir… Viens-tu ?
    Il n’hésitait plus dans le tutoiement. Sa condition de chevalier, hautement méritée, en avait fait un autre homme. Aude, assurément, se moquait de tout ce qu’il avait pu faire avant de la connaître.
    — Vas-y seul… Je te rejoindrai.
    Des torches brillaient dans les écuries : lueurs chancelantes, douces à regarder ; voix de guerriers, rires doux à entendre. Ogier s’immobilisa sur le perron :
    — Occupe-toi de Marchegai… J’irai le voir avant de me coucher.
    Un geste. Non plus un geste de légitime obéissance, mais d’assentiment fraternel. Cela au moins, c’était solide et sans arrière-pensée ! Cette remarque appesantit encore la lourdeur des idées qu’Ogier entassait dans son esprit. Son crâne n’eût pas été plus lourd s’il avait porté son bassinet. «  Je vois tout en noir, et cependant je m’étais attendu à pire ! » Que savait-il de Blandine ? Peu de chose. C’était maintenant, demain, dans leur vie de chaque jour qu’il apprendrait à la connaître.
    Une main le saisit par le coude.
    — Père !
    Le vieillard souriait, sans plus. Le chiche éclairement venant de la grand-salle rendait la plupart de ses rides invisibles, et il avait meilleur visage. Sans doute le Ciel offrirait-il à cette âme noble un long sursis avant qu’elle ne s’évaporât.
    — Pas trop tané [182] mon gars ?
    Ogier s’était attendu à une autre approche, d’autres propos. Était-ce intentionnellement que Godefroy d’Argouges évitait de lui parler de Blandine ? Il regarda cette face osseuse, ces crins rares et gris, cette bouche ferme au sourire oblique.
    — Non, Père… Nous avons chevauché lentement.
    Silence. Le garçon allait briser son embarras et demander : « Comment la trouves-tu ? » lorsque le vieillard le devança par une autre question dont la rudesse tranquille s’accompagnait d’un serrement de main si violent sur son coude qu’Ogier faillit le lui retirer.
    — Crois-tu que tu ne l’as pas épousée trop promptement ?
    Si Godefroy d’Argouges était sans vigueur en fait d’armes, il savait mener résolument d’autres assauts.
    — Que veux-tu dire ?… Elle te déplaît ? N’est-elle pas belle ? Bien pourvue en intelligence ? N’a-t-elle pas, selon toi, suffisamment de noblesse ?… Quelles sont tes idées sur Blandine ?
    Son chuchotement et son tutoiement, surtout, donnaient plus d’âpreté à sa forcennerie. Il se retourna pour voir si quelqu’un les épiait, et fut aussitôt rassuré. Outre qu’on les croyait tout à la joie des retrouvailles, on allait et venait dans le tinel : il fallait donner quelque éclat au repas du soir.
    — Je ne sais trop que te dire, mon fils… Elle arrive, je ne la connais pas… Il est vrai que sa beauté peut donner des idées aux trouvères… Je me suis toujours défié des jugements faits au galop, c’est pourquoi je ne te dirai rien d’offensant à son égard. Rien, non plus, qui puisse te tourner les sangs… J’ai connu ta défunte mère dans des conditions pareilles à celles où tu rencontras Blandine… Entre Luciane et moi

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